mardi 6 septembre 2016, par Anthony Boccaletti & Pierre Baudoz
SPHERE est un instrument de seconde gĂ©nĂ©ration pour le Very Large Telescope (ESO, Chili) dont l’objectif principal est l’imagerie directe de planètes extrasolaires. SPHERE va permettre d’obtenir les premières caractĂ©risations spectrales et polarimĂ©triques de planètes gĂ©antes. C’est un projet europĂ©en dirigĂ© par le Institut de PlanĂ©tologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG) et auquel le LESIA participe sur plusieurs aspects. La première lumière sur le ciel a eu lieu en mai 2014, l’instrument est maintenant ouvert Ă la communautĂ© et a fourni les premiers rĂ©sultats.
Quelques objets de masse planétaire ont pu être observés avec les instruments actuels (illustrations Figure suivante) dans des cas favorables (grande séparation, âge jeune) mais un gain significatif est maintenant nécessaire pour étendre cette étude à des planètes de masses plus faibles, plus proches et plus vieilles.
De gauche à droite : 2M1207b (5 MJ, 46 UA, Chauvin et al. 2005), Gl86 b (17 MJ, 100 UA, Neuhaüser et al. 2006), β Pictoris b (8 MJ, 8 UA, Lagrange et al. 2008). Note : MJ = masse de Jupiter, UA = Unité Astronomique.
Un instrument comme SPHERE permettant d’atteindre une haute dynamique est compatible avec plusieurs objectifs astrophysiques, mais SPHERE est essentiellement focalisé sur les exoplanètes et l’ensemble du système est optimisé pour cet objectif prioritaire. Les cibles idéales pour SPHERE sont :
Pour atteindre ces objectifs l’instrument doit atteindre des contrastes de 15 Ă 16 magnitudes (par rapport Ă l’Ă©toile centrale) sur un petit champ (0.1" Ă 3") et cela pour des Ă©toiles de magnitude infĂ©rieure Ă 10.
Pour accomplir ce programme ambitieux, SPHERE bénéficie d’un temps garanti de 260 nuits au total, condition nécessaire pour obtenir statistiquement un nombre de détections suffisant.
L’instrument SPHERE tire partie de plusieurs techniques de haute dynamique que sont :
La première permet de compenser en temps rĂ©el la turbulence atmosphĂ©rique au niveau de l’instrument. Elle requiert un système d’analyse du front d’onde ainsi qu’un Ă©lĂ©ment correcteur, le miroir dĂ©formable. Ce système en boucle fermĂ©e, fournira dans le cas de SPHERE des niveaux de correction de 85% Ă 95% en proche IR selon les conditions atmosphĂ©riques et les filtres considĂ©rĂ©s. Le miroir dĂ©formable de 41x41 actuateurs permet de corriger un champ de l’ordre de 1" de rayon avec une rapiditĂ© de quelques millisecondes.
La coronographie permet d’attĂ©nuer la lumière stellaire pour rĂ©vĂ©ler celle d’une planète. Il s’agit d’un masque situĂ© dans le plan focal et combinĂ© Ă un diaphragme dans le plan pupille. Une illustration de cette technique est donnĂ©e sur la page web de MIRI.
SPHERE inclut plusieurs types de coronographes d’amplitude et de phase. La difficultĂ© est d’obtenir une attĂ©nuation importante le plus proche possible de l’Ă©toile et sur une large gamme spectrale. Les coronographes de SPHERE ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s avec ces prioritĂ©s. NĂ©anmoins, mĂŞme un coronographe parfait ne sera pas capable d’Ă©liminer totalement les photons stellaires puisqu’un rĂ©sidu non nĂ©gligeable de lumière stellaire n’est pas corrigĂ© par l’optique adaptative. On a donc recours Ă une troisième mĂ©thode.
L’imagerie diffĂ©rentielle consiste Ă tirer parti d’une diffĂ©rence physique entre l’Ă©toile et la planète. Par exemple, les planètes gĂ©antes contiennent des Ă©lĂ©ments chimiques (comme le mĂ©thane) non prĂ©sents dans l’Ă©toile. Une analyse spectrale prĂ©cise permet donc de distinguer la planète de l’Ă©toile. Dans SPHERE, deux instruments (IRDIS et IFS) utilisent ce principe dans l’IR proche, et le troisième instrument (ZIMPOL) effectue une analyse polarimĂ©trique dans le visible. A ces deux principes d’imagerie diffĂ©rentielle, s’ajoute l’imagerie diffĂ©rentielle angulaire qui prend en compte le fait qu’au foyer d’un tĂ©lescope alt-azimuthal le champ du ciel tourne. On peut alors discerner un objet rĂ©el (qui tourne) d’un dĂ©faut optique de l’instrument qui lui, sera quasi-fixe.
La combinaison de ces techniques est illustrée sur la figure suivante.
De gauche Ă droite : image de l’Ă©toile corrigĂ©e par optique adaptative, image de l’Ă©toile attĂ©nuĂ©e par coronographie, imagerie diffĂ©rentielle Ă 2 bandes spectrales, imagerie diffĂ©rentielle angulaire. Cette simulation est faite pour une Ă©toile jeune (10Myrs) de type M0V, et pour des planètes de 1MJ (situĂ©es sur la diagonale).
Un concept instrumental est montré ci-dessous.
Le trajet orange montre l’optique commune incluant l’optique adaptative. Les faisceaux rouge reprĂ©sente la voie IR oĂą se situe le coronographe et les 2 instruments IR (IRDIS et IFS). Enfin le trajet bleu montre l’analyseur de surface d’onde de l’optique adaptative et l’instrument ZIMPOL. crĂ©dits consorium SPHERE.
Le principal dĂ©veloppement du LESIA pour SPHERE concerne un composant coronographique dĂ©rivĂ© du principe du coronographe de phase Ă 4 quadrants. Contrairement aux coronographes fabriquĂ©s pour MIRI, celui de SPHERE doit ĂŞtre achromatique. Pour cela nous avons utilisĂ© une propriĂ©tĂ© des lames birefringentes qui ont des indices optiques diffĂ©rents selon l’axe considĂ©rĂ©. La combinaison de 2 matĂ©riaux diffĂ©rents (ici du Quartz et du MgF2) produit l’achromatisation, et une gĂ©omĂ©trie particulière produit l’effet coronographique. Un prototype conçu pour fonctionner entre 0,95 ÎĽm et 1,8 ÎĽm a Ă©tĂ© testĂ© avec succès.
Ce composant rĂ©sulte de l’assemblage (Ă quelques microns près) de 4 lames de MgF2 (face avant) et de 4 lames de Quartz (face arrière). Sur chacun des Ă©tages deux des lames sont pivotĂ©es de 90° pour produire l’effet coronographique.
Le profil radial correspondant Ă l’image de l’Ă©toile est donnĂ©e en lignes continues, et celui de l’image coronographique en lignes tirets. Les couleurs correspondent Ă 3 filtres diffĂ©rents : Y en bleu (1.06 ÎĽm), J en vert (1.19 ÎĽm), et H en rouge (1.68 ÎĽm).
Le LESIA a également participé au développement :
Enfin, nous avons Ă©galement fourni au consortium SPHERE un code de simulation de l’instrument permettant d’Ă©valuer les tolĂ©rances de certains sous-systèmes (positionnement, inclinaison de certaines optiques) ainsi que les performances de dĂ©tection pour divers cas d’Ă©toiles et de planètes comme illustrĂ© sur la figure suivante. Ces rĂ©sultats nous montrent que SPHERE a les performances nĂ©cessaires pour Ă©tudier des planètes gĂ©antes gazeuses jusqu’Ă environ 1 masse de Jupiter.
Les courbes correspondent aux diffĂ©rents niveaux de traitement dĂ©crit prĂ©cĂ©demment (paragraphe CaractĂ©ristiques Instrumentales). Les croix de couleurs correspondent Ă diffĂ©rentes tempĂ©ratures de planètes. Les croix situĂ©es au dessus d’une ligne sont dĂ©tectables.
Noms | Responsabilités | ||
Anthony Boccaletti | scientifique + simulations + coronographie | ||
Pierre Baudoz | scientifique + analyseur IR + coronographie | ||
Jacques Baudrand | prototypage coronographes | ||
Olivier Dupuis | mécanique et intégration | ||
JĂ©rĂ´me Parisot | bancs de tests | ||
Frédéric Chapron | mécanique | ||
Bernard Talureau | cryogénie | ||
Tristan Buey | responsable Tests et Intégration de l’OA | ||
Pernelle Bernardi | optique | ||
Jean-Michel Reess | optique | ||
Michel Marteaud | mécanique | ||
Gerard Rousset | scientifique + Optique adaptative | ||
Arnaud Sevin | calculateur Temps Réel pour l’OA | ||
Pierre Gigan | tip-tilt | ||
Denis Perret | tip-tilt |
Le projet SPHERE a passĂ© la Final Design Review (FDR) devant l’ESO en dĂ©cembre 2008. Les composants coronographiques ont Ă©tĂ© fabriquĂ©s puis testĂ©s entre 2009 et 2010. Ils ont ensuite Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans l’instrument Ă l’IPAG oĂą des tests ont Ă©tĂ© menĂ©s en 2012 et 2013.
SPHERE a Ă©tĂ© envoyĂ© au Chili en dĂ©but 2014 pour ĂŞtre commissionnĂ© en mai 2014. Après sa première lumière en mai 2014, l’instrument est maintenant ouvert Ă la communautĂ©.
SPHERE fonctionne en mode "survey" depuis février 2015.