lundi 10 décembre 2012, par Karine Issautier
Interactions ondes/particules
Les interactions ondes/particules ont été mises en évidence pour la première fois par Stverak et al. (2008) pour les électrons du cœur de la fonction de distribution à partir de l’analyse d’environ 120 000 fonctions de distributions observées par Helios, Cluster et Ulysse. La figure ci-jointe (a) montre l’histogramme bi-dimensionnel de l’anisotropie de température du cœur (Tc⊥/Tc||) en fonction du rapport entre les pressions cinétique et magnétique du plasma (βc||). Centrées autour de l’isotropie (Tc⊥/Tc||=1) les observations montrent que les fortes anisotropies sont contrôlées par des instabilités de type Whistler pour Tc⊥/Tc||>1 et des instabilités de type Fire-hose pour Tc⊥/Tc||<1. La figure ci-jointe (b) montre qu’en plus du rôle des instabilités, les collisions coulombiennes jouent également un rôle dans l’isotropisation des électrons du cœur. Sur cette figure, les niveaux à 70% de l’histogramme précédent sont tracés pour différentes populations de vent solaire différenciés par leur âge collisionnel (rapport entre le temps de transit et l’inverse de la fréquence de collision). On peut clairement voir que plus une population de vent solaire a subi de collisions au cours de son transport et plus elle est proche de l’isotropie de température. On peut donc en conclure que les collisions Coulombiennes contrôlent le comportement du gros des distributions et que les instabilités de plasma se déclenchent pour les forts écarts à l’équilibre.
RĂ´les couplĂ©s des instabilitĂ©s et des collisions Coulombienne quant Ă l’isotropisation du cĹ“ur des fonctions de distribution Ă©lectroniques dans le vent solaire. D’après Stverak et al. 2008.
Les ondes d’Alfven et les instabilitĂ©s paramĂ©triques
Les ondes d’AlfvĂ©n sont caractĂ©risĂ©es par une importante propriĂ©tĂ©, celle d’ĂŞtre des solutions exactes des Ă©quations de la magnĂ©tohydrodynamique (MHD) idĂ©ale, dans le cas linĂ©aire (petite amplitude) et dans celui non-linĂ©aire (grande amplitude). MĂŞme s’il s’agit de solutions stables pour la MHD incompressible (oĂą elle peuvent donc se propager librement), en prĂ©sence de fluctuations de densitĂ©, les ondes d’AlfvĂ©n peuvent interagir avec les modes compressibles du plasma. Il en rĂ©sulte un amortissement, donnant lieu Ă ce que l’on appelle "les instabilitĂ©s paramĂ©triques". Dans ce phĂ©nomène, une onde d’AlfvĂ©n mère interagit avec un mode sonore (acoustique ou acoustique-ionique, selon le rĂ©gime considĂ©rĂ©) qui est gĂ©nĂ©rĂ© par l’instabilitĂ© et croĂ®t de façon exponentielle. Cette interaction, qui est du type 3-ondes, donne lieu aussi Ă un troisième mode, qui correspond Ă une onde d’AlfvĂ©n fille, appellĂ© "upper" ou "lower sideband". Dans le cadre du vent solaire, l’instabilitĂ© paramĂ©trique qui a beaucoup Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©, est l’instabilitĂ© de "decay" : elle donne lieu Ă des ondes filles qui se propagent en direction opposĂ© Ă celle de l’onde mère. Ce phĂ©nomène pourrait permettre la gĂ©nĂ©ration de flux d’ondes tel qu’observĂ© et contribuer au dĂ©veloppement de la turbulence.
RĂ©cemment un code numĂ©rique "hybride", oĂą les ions sont traitĂ©s comme des particules et les Ă©lectrons comme un fluide, a permis d’Ă©tudier la dynamique de l’instabilitĂ© paramètrique de type decay, l’Ă©nergie associĂ©e Ă la propagation des ondes et la nature de l’interaction Ă 3 ondes. La nouveautĂ© est que ce code prend en compte des effets cinĂ©tiques liĂ©s Ă la dynamique des ions et leur rĂ©sonance avec les ondes (Matteini et al., JGR, 2010). Par ailleurs, contrairement au cas MHD, un taux d’accroissement de l’instabilitĂ© est prĂ©sent. Quant Ă la saturation de l’instabilitĂ© dans un plasma non-collisionnel, comme le vent solaire, elle est due au piĂ©geage des particules.
On peut reconnaitre la prĂ©sence de vortex, rĂ©sultats du piĂ©geage des protons par le potentiel dĂ» au champ Ă©lectrique de l’onde acoustique excitĂ©e (gauche). DĂ©formation de la fonction de distribution des particules autour de la rĂ©sonance (droite).
Nous avons prouvĂ© que la consĂ©quence principale de ce piĂ©geage, qui implique la dĂ©formation de la fonction de distribution des particules autour de la rĂ©sonance avec la vitesse de phase de l’onde acoustique, est la gĂ©nĂ©ration d’un faisceau de protons accĂ©lĂ©rĂ©s le long du champ magnĂ©tique. Ce faiseau se propage avec une vitesse qui peut atteindre la vitesse d’AlfvĂ©n, dont la prĂ©sence est une caractĂ©ristique souvent observĂ©e dans le vent solaire : ces rĂ©sultats fournissent donc une possible explication pour la prĂ©sence de cette population, Ă partir de l’instabilitĂ© paramĂ©trique.
Afin de mieux reproduire les conditions du vent solaire, nous avons considĂ©rĂ© des ondes d’Alfven mères ne se propageant pas strictement le long du champ magnĂ©tique (Matteini et al. GRL 2010) : la plupart des fluctuations AlfvĂ©niques observĂ©es correspondent Ă des ondes en propagation oblique par rapport au champ magnĂ©tique ambiant. Les rĂ©sultats montrent que, l’instabilitĂ© a toujours lieu, avec un taux de croissance qui diminue avec le cosinus de l’angle entre k et B initial. La dĂ©formation de la fonction de distribution des protons et la formation de faisceaux ont aussi Ă©tĂ© observĂ©es, en accord avec les rĂ©sultats du cas strictement parallèle.
Une grande variĂ©tĂ© d’interactions d’ondes Ă diffĂ©rentes Ă©chelles est prĂ©sente. La gĂ©nĂ©ration de modes fortement oblique est possible.
Cette Ă©tude montre qu’il est possible d’exciter des petites Ă©chelles en direction perpendiculaire directement Ă partir de la propagation d’ondes d’AlfvĂ©n quasi-parallèles Ă plus grande Ă©chelle. Cela constitue un scenario alternatif Ă la turbulence dans la gĂ©nĂ©ration des petites Ă©chelles transverses ou au moins une première Ă©tape, qui, après Ă la dissipation des fluctuations, peut amener le vent solaire Ă avoir une cascade turbulente.
Référence
Matteini et al., Ion kinetics in the solar wind : coupling global expansion to local microphysics, Sp. Sci. Rev. 2011.