mardi 13 décembre 2022
Les métiers d’appui à la recherche sont souvent méconnus, en particulier les fonctions administratives. Ils recèlent pourtant des richesses, tant de compétences que de parcours. Des femmes et des hommes de l’ombre qui ont le sens du service au bénéfice de tous. Nous vous invitons aujourd’hui à découvrir le parcours de Denis Savary, aussi étonnant que foisonnant.
Ce qui attire immĂ©diatement l’attention lorsque l’on rencontre Denis Savary pour la première fois c’est l’originalitĂ© et, n’hĂ©sitons pas Ă le dire, une forme d’éclectisme de son parcours. Titulaire d’un BTS de fabrication industrielle de mobilier, il a Ă©galement rĂ©ussi un BTS de gestion qu’il a menĂ© en mĂŞme temps que sa formation en menuiserie. C’est en quelque sorte la partie scolaire et intellectuelle de son parcours. Mais, c’est bien connu, nous marchons sur deux jambes. Dans le mĂŞme temps, passionnĂ© par les sports, il a obtenu un brevet d’État de gymnastique acrobatique et, comme cela ne lui suffisait pas, un second brevet d’État, de boxe française cette fois. C’est la partie sportive de sa formation, respectant ainsi le cĂ©lèbre adage latin « Mens sana in corpore sano » soit « Un esprit sain dans un corps sain » ! VoilĂ ce que l’on peut qualifier de son instruction de base. Vous allez voir que nous ne sommes pas au bout de nos dĂ©couvertes.
En 1988, alors qu’il s’apprête à entrer dans la vie active, il a clairement plusieurs cordes à son arc mais c’est le travail du bois qui le motive et il veut en faire son métier. Après son service militaire, il fait donc quatre ans d’intérim dans le domaine de la menuiserie. Il s’investit dans la restauration de châteaux privés, sous la supervision d’ébénistes, essentiellement en Île-de-France. Il découvre alors l’aspect artistique de la menuiserie qui ne fait que renforcer son envie de continuer dans une voie qui combine art et techniques industrielles.
Il s’apprête donc à passer des concours pour devenir menuisier mais les postes proposés sont dans le Sud. Or, en parallèle, il avait monté un club de gymnastique acrobatique avec deux amis et ne voulait pas abandonner les jeunes qu’il encadrait. Il intervenait également devant des classes autour de Champigny-sur-Marne, en collaboration avec des enseignants, comme éducateur spécialisé en gymnastique acrobatique.
Il a donc fait le choix de se réorienter vers l’Éducation nationale pour pouvoir rester en région parisienne, combiner un métier à horaires fixes – ce qui n’était pas le cas avec l’intérim – et entraîner les jeunes en fin de journée. Nous sommes alors en 1992. Premier coup de théâtre et une devinette. Il passe avec succès un concours… en menuiserie ou en gestion me direz-vous puisqu’il est qualifié dans ces domaines ? Non… pas du tout ! Ce bricoleur passionné est également peintre et c’est dans cette spécialité qu’il va exercer dans un premier temps.
Il intègre une Ă©quipe mobile d’ouvriers professionnels avec le grade de maĂ®tre ouvrier. Elle se compose de 4 peintres, 2 menuisiers, 3 Ă©lectriciens et 2 plombiers. BasĂ©e dans le XIIe arrondissement, elle intervient dans les collèges et lycĂ©es d’une bonne moitiĂ© du territoire de la capitale. Au bout de deux ans, il rĂ©cupère la gestion technique de l’équipe aux cĂ´tĂ©s du responsable, « Un peu dĂ©bordĂ© » souligne-t-il avec un brin d’ironie.
Il va alors s’illustrer dans ce qu’il sait faire : l’optimisation du travail, les fiches d’intervention, les fiches horaires, les processus d’intervention également. Il fait ses preuves, convainc ses collègues et son supérieur des avantages de cette nouvelle méthodologie qui facilite la vie de l’équipe. Il devient donc officiellement adjoint. Ceci sous-entend, bien évidemment, de nouvelles responsabilités : négociations avec les collèges, établissement de devis, signature de conventions, planification des travaux à l’instar d’une véritable entreprise de travaux publics.
Son cĹ“ur de mĂ©tier, avec son Ă©quipe, est la rĂ©habilitation de salles de classe… rĂ©seau informatique compris. Second coup de théâtre pour les lecteurs que nous sommes. Nous dĂ©couvrons que ce menuisier, gestionnaire-comptable, peintre, gymnaste et boxeur, curieux de tout, s’est Ă©galement investi dans l’informatique depuis des annĂ©es. S’il n’a pas suivi de formation qualifiante dans ce domaine, il a appris, « Sur le tas » prĂ©cise-t-il, avec son frère, professionnel du secteur.
« Ce qui m’intĂ©ressait » dit-il avec enthousiasme, « ça n’était pas simplement de pianoter sur le clavier mais de comprendre ce qu’il y avait derrière tout ça et comment cela fonctionnait ». Un peu comme dans tous les domaines d’ailleurs, comme j’en prends conscience au fil de cet entretien. Il acquiert donc de nouvelles et solides compĂ©tences dans l’installation de rĂ©seaux informatiques qu’il transmet Ă son Ă©quipe. Ainsi, au cours des annĂ©es 1990, pĂ©riode oĂą l’on informatise de nombreuses salles de classe, ils interviennent dans bon nombre d’établissements de la ville de Paris.
En septembre 1995, il effectue une mobilité au Lycée Henri IV, dont chacun connaît le prestige, et qui forme 2500 élèves environ, du collège aux classes préparatoires. Il y occupe les fonctions de responsable des services techniques, un changement d’échelle et de niveau de responsabilités évident auquel il est important de se préparer.
Ainsi, pendant un an, il sera observateur des personnels qu’il est appelé à encadrer, pour comprendre et analyser les méthodes de travail en vue de les améliorer. Au terme de cette période, il va restructurer le service et proposer un nouveau projet de fonctionnement. Comme toujours, la même méthode : ne rien imposer mais recueillir l’adhésion, fédérer et convaincre.
Il met en place un système de demandes, de procédures et de suivi des travaux qui a fonctionné sur ce mode jusqu’à son départ en 2006, au bénéfice de tous.
Non content de faciliter la vie des collaborateurs dont il avait la responsabilité et puisqu’il était hébergé dans l’enceinte du lycée, il se préoccupait de leur bien-être au travail. Pour ce faire, il avait organisé, une fois par semaine et en soirée, pour les autres personnels hébergés sur place, des cours de gymnastique douce qui regroupaient une dizaine de personnes. Une bien agréable détente de fin de journée qui permettait de soulager les douleurs des collègues après de longues heures de travail. Un peu de son temps précieux qu’il leur offrait, juste parce que c’était eux et qu’il les appréciait.
Cette « vitrine officielle », dans laquelle il s’implique et rĂ©ussit, lui assure salaire et hĂ©bergement. Mais dans son cĹ“ur, les activitĂ©s associatives qu’il poursuit en parallèle avec les jeunes et pour lesquelles il est bĂ©nĂ©vole ne sont pas moins essentielles Ă son Ă©quilibre. C’est cela qui le fait vibrer et qui le motive. Par ailleurs, il espère une promotion et un passage en catĂ©gorie B qui ne viennent pas. Il se lance donc dans une procĂ©dure de mobilitĂ© et rĂ©ussit un concours interne de secrĂ©taire d’administration qui va lui permettre d’étendre son pĂ©rimètre, dĂ©jĂ large, Ă la gestion comptable et financière qu’il avait pratiquĂ©e plus tĂ´t dans sa carrière.
C’est ainsi qu’il arrive au LESIA en décembre 2006, prévenu de sa mutation mi-novembre. Peu de temps pour se retourner donc. D’ailleurs, pour l’anecdote, s’il accepte un poste à l’Observatoire de Paris, il ignore qu’en fait c’est à Meudon qu’il va exercer son activité. Une surprise qui lui causera, un temps, quelques problèmes de logement et de cumul de responsabilités et de fonctions. Les nouvelles affectations sont parfois à ce prix mais elles donnent un nouvel élan et permettent de relever de nouveaux défis. C’est ce qui motive Denis.
Dans un premier temps, pendant un mois, on va lui demander de se cantonner Ă ĂŞtre observateur de son nouveau mĂ©tier, de « prendre la tempĂ©rature » me dit-il. Mais c’est mal le connaĂ®tre et, jour après jour, il s’impatiente, se tourne vers ses collègues pour qu’ils lui confient des dossiers.
C’est ainsi qu’on lui attribue l’ensemble des aspects financiers de la mission Solar Orbiter dont le lancement est prévu pour février 2020. Une course de fond, en quelque sorte ! Pendant toutes ces années qui ont précédé le lancement, un gros travail de suivi de commandes, de missions, de gestion de crédits pour la réalisation d’instruments (RPW et STIX) sous la responsabilité de Milan Maksimovic et de Sylviane Chaintreuil. Il gère les complexes aspects administratifs des fonds européens et des collaborations internationales, avec les États-Unis entre autres, jonglant entre euros et dollars et manipulant des sommes importantes qui permettent de financer les réalisations du LESIA.
Sa nature tournée vers les autres reprenant rapidement le dessus, il s’intéresse à la vie du laboratoire et s’y implique progressivement. Il a été membre du CHSCT (Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail) depuis sa création en 2013 jusqu’en 2018 ; membre du CT (Comité technique de l’Observatoire) depuis 2015 puis assistant de prévention de 2009 à 2021. Une fonction et une responsabilité importantes car ce poste consiste à alerter le directeur sur tous les problèmes de sécurité du personnel sur le lieu de travail qui peuvent engager le laboratoire sur le plan juridique. L’assistant tient un registre qui est remis au directeur pour qu’il ait connaissance de l’ensemble des risques.
Il a également découvert le CESOP (Comité d’entraide sociale de l’Observatoire de Paris) et toutes ses activités au bénéfice de l’ensemble des personnels. Ce côté social et altruiste, auquel il est sensible et qui fait le lien avec ses activités extra professionnelles, lui a donné envie de s’investir dans le CESOP dont il a été le trésorier de 2012 à 2018 pendant les deux mandats de Philippe Deloye.
En sa qualité de trésorier, il a alors négocié les subventions avec le président de l’époque au dialogue de gestion, des moments où il faut faire preuve de force de conviction, ce dont il ne manque pas. Dans la droite ligne de cette fonction, il s’implique dans le CLAS de Meudon dont il a repris l’activité jardinage au départ d’Alain Docclo en 2019.
L’activité de Denis a connu une dernière évolution récente, en lien avec l’informatique, l’une de ses compétences mise quelques années entre parenthèses. Un retour vers l’un de ses fondamentaux en quelque sorte. En 2021, il a été invité à rejoindre le GIGL (Groupe d’informatique générale du LESIA) pour une partie de son activité qui est appelée à augmenter. Il est en cours de formation à l’installation de machines mais sa priorité actuelle reste encore la gestion comptable et financière en attendant de futurs recrutements et le retour progressif de Cris Dupont un temps absente pour raisons de santé.
Comme nous l’avons mentionnĂ© plus haut, l’une des difficultĂ©s majeures de la gestion au LESIA est la durĂ©e des projets et donc de leur financement, sur plus d’une dĂ©cennie parfois. Également des singularitĂ©s propres Ă chaque projet et qui le rendent complexe. Ce suivi sur une longue pĂ©riode de temps est peu compatible avec des mobilitĂ©s et chaque dĂ©part ou arrivĂ©e suppose un long investissement pour former une nouvelle recrue… avec l’espoir qu’elle reste sur toute la durĂ©e du projet. Sinon c’est une « perte sèche » pour l’unitĂ©.
À titre d’information et pour comprendre sa charge de travail, Denis gère 40 entités dépensières, chacune avec sa propre logique, son rythme, ses modes de justification, ses catégories de dépenses autorisées ou non (fonctionnement, missions, matériel). Cela demande une grande agilité intellectuelle dont les profanes que nous sommes n’ont pas toujours suffisamment conscience.
Ces métiers de l’ombre, qualifiés d’appui ou de support à la recherche, perçus comme peu valorisants et restrictivement qualifiés d’administratifs. Au final, ils sont pourtant des facilitateurs de notre quotidien dont l’une des qualités principales est d’adapter la règle tout en la respectant pour éviter les blocages et permettre à chacune et chacun d’exercer ses activités dans les meilleures conditions possibles.
En parallèle à son activité professionnelle et avec l’altruisme qui le caractérise, Denis est très impliqué dans la vie associative de Champigny-sur-Marne. Il est responsable d’un club de gymnastique acrobatique où il entraîne des jeunes sportifs et forme la génération montante d’encadrants. En 2022, il a la responsabilité de 5 jeunes éducateurs sportifs qui vont assurer la relève dans les années à venir.
Il s’est également fortement impliqué dans les formations au niveau de l’Île-de-France mais a passé la main car il manque de temps. Il s’occupe de la partie informatique des compétitions de trempoline dans notre région. Il assure également des entraînements en gymnastique acrobatique et accrosport. Il s’agit d’enchaînements acrobatiques, gymniques et chorégraphiques présentés en groupe sur un fond musical. Son club compte 90 pratiquants dont il assure l’entraînement et l’encadrement tous les week-ends…lorsqu’il n’est pas en compétition.
Passionné de bricolage, il manque toutefois de temps et d’espace alors il exerce ponctuellement ce talent supplémentaire dans le cadre de son cercle amical. Il rend service, une constante chez lui puisqu’il bricolait déjà , le week-end, chez ses collègues du Lycée Henri IV.
Une question à laquelle il n’a pas encore été répondu : pourquoi le LESIA ? Non, dans le cas de Denis, pas d’intérêt particulier pour les étoiles. Comme tout un chacun, il lui arrivait de les contempler avec une petite lunette… mais rien de plus. Juste une opportunité d’évolution de carrière qu’il a saisie et ne regrette pas. Ceci étant dit, puisqu’il est curieux de nature et qu’il aime comprendre les tenants et aboutissants de ce qu’il fait, il a beaucoup appris au contact de ses collègues, chercheurs entre-autres, et a acquis une culture du domaine.
Un dernier point avant de prendre congé de lui, il avoue une passion pour la plongée sous-marine qui l’a conduit à voyager aux quatre coins du monde. Passion un temps interrompue quand il a eu des enfants. Adolescents maintenant, il compte bien les initier à cette activité pour laquelle ils commencent à montrer un intérêt croissant. Toujours cette notion de partage avec son entourage, aussi bien dans la sphère privée que publique.