mercredi 30 août 2017, par Marie Glanc et Marie Blavier
La tomographie par cohérence optique est une méthode d’imagerie interférométrique à faible longueur de cohérence. L’échantillon à imager est placé dans l’un des deux bras d’un interféromètre, tandis qu’un miroir de référence est mis dans le second bras. Des interférences sont observées à la sortie de l’interféromètre entre la lumière réfléchie par la référence et celle rétrodiffusée par une couche de l’échantillon située à une profondeur précise, déterminée par l’égalité optique des longueurs des bras de l’interféromètre (à la demi-longueur de cohérence de la source près). En détectant ces interférences, une image en coupe est directement obtenue dans l’échantillon.
L’enveloppe des franges d’interférence (entre une référence et l’échantillon) donne directement l’image des structures de l’échantillon et permet de les localiser en profondeur, à la demi-longueur de cohérence de la source près.
Généralement, les imageurs OCT reconstruisent des coupes 2D par acquisition point par point et balayage. L’OCT plein champ consiste au contraire à acquérir les images interférométriques directement en 2D avec une caméra CCD ; les balayages transversaux en X et en Y sont donc éliminés. En balayant en profondeur par translation en Z de la référence (variation de la longueur des bras de l’interféromètre), une pile d’images en coupes à différentes profondeurs est acquise et la structure tridimensionnelle de l’échantillon est reconstruite.
Pour reconstruire une coupe dans un échantillon en OCT plein champ, 4 images interférométriques déphasées de π/2 sont nécessaires.
A gauche : quatre images interférométriques déphasées de π/2 obtenues avec un miroir incliné comme échantillon. A droite : une coupe tomographique du miroir incliné est obtenue par combinaison de ces quatre images.
Classiquement, le moyen le plus simple est d’acquérir ces 4 images temporellement l’une après l’autre, en modulant la position du miroir de référence. Cependant, à cause des mouvements rapides de l’oeil, il faut dans le cadre du projet OEIL acquérir simultanément ces 4 images. La nouveauté de l’instrument développé au LESIA est l’utilisation de la polarisation de la lumière pour créer en sortie de l’interféromètre 4 faisceaux déphasés de π/2 simultanément détectés par la caméra CCD. Un des composants optiques utilisés est un prisme de Wollaston qui a la faculté, dans une configuration précise, de créer, à partir d’un faisceau d’entrée, deux faisceaux déviés verticalement et déphasés de π. Un cube séparateur de faisceaux et une lame quart d’onde complètent entre autres le montage pour fournir les 4 faisceaux déphasés de π/2.
Afin d’imager la rétine à haute résolution dans les trois dimensions, le système repose sur le couplage des techniques d’OA et d’OCT plein champ, afin de bénéficier de la résolution transverse de l’OA et de la résolution axiale en profondeur de l’OCT.
Dans un premier temps, avant de coupler l’OA et l’OCT, un prototype d’OCT seule (sans OA) est développé au LESIA. Il s’agit de tester l’OCT plein champ sur un grand nombre d’échantillons de plus en plus complexes, afin de se rapprocher des conditions d’imagerie dans l’œil. Il faut pour cela mettre en place une procédure de reconstruction des coupes. En effet, la détection des interférences pour obtenir une coupe tomographique nécessite de soustraire les images interférométriques entre elles pixel à pixel. Cela requiert un recentrage subpixelique ainsi que des calibrations en intensité et en aberrations différentielles entre les images.
Des premiers résultats ont été obtenus en reconstruisant en trois dimensions la structure d’un échantillon en forme d’escalier. Celui-ci est dans un plastique très peu réfléchissant (signal de retour faible) et présente 7 marches de 2 mm de long par 150 microns de large. La différence de hauteur entre chaque marche est de 5 µm.
En haut à gauche : une des quatre images interférométriques acquises par la caméra CCD ; toutes les marches de l’escalier sont visibles (dans le carré rouge), il n’y a pas l’information en profondeur sans traitement OCT. En haut à droite : une coupe tomographique à une profondeur donnée (reconstruite à partir des quatre images interférométriques) ; on y voit la marche dont la profondeur est à l’égalité optique entre les bras de l’interféromètre, ainsi que les deux marches voisines de part et d’autre, plus faibles, dont la profondeur est dans la longeur de cohérence de la source. En bas : recontruction en 3D de l’escalier à partir d’une pile de 40 coupes tomographiques acquises tous les microns.
Des images de rétines explantées de rat, entre lame et lamelle, ont été obtenues sur le banc d’OCT plein champ seule. Après acquisition d’une pile d’images en-face (en XY), n’importe quelle coupe axiale (XZ ou YZ) peut être extraite des données.
Après validation de principes liés à l’OCT et à la reconstruction des images tomographiques, le système couplant OA et OCT plein champ a été mis à jour dans sa conception par rapport à la version initiale, puis aligné et intégré. Il comprend une centaine d’optiques, ainsi qu’une source et une caméra d’imagerie 3D, 3 platines motorisées pour balayer l’échantillon en profondeur et gérer les amétropies, une boucle d’OA (source, miroir déformable, analyseur de front d’onde) et une caméra d’imagerie 2D. Il est actuellement en cours d’exploitation au LESIA.
La résolution en profondeur de l’instrument est de trois à quatre microns. Celle-ci est mesurée par la largeur d’une coupe sur un miroir. Elle permet de séparer optiquement les marches d’un escalier hautes de cinq microns.
Des images OCT de rétines de porc ex vivo ont été obtenues. On observe différentes couches.
Pour simuler les conditions d’un oeil in vivo, un écran de phase introduisant des aberrations typiques d’un oeil a été placé dans un plan pupille (équivalent de la cornée). Il est déplacé par des moteurs afin de simuler les mouvements de l’oeil en amplitude et en vitesse (330 microns/s sur 2 mm).
L’analyseur de front d’onde est un Shack-Hartmann à 18x18 sous-pupilles. Le miroir déformable possède 97 actionneurs (Alpao DM97). La fréquence de boucle de l’optique adaptative est de 100 Hz.
La correction par optique adaptative en double passage permet à la fois de :
On peut ainsi constater sur une feuille de papier le gain apporté par l’optique adaptative sur des images OCT grâce à la correction des aberrations.
Des images OCT de rétine corrigées par OA sont en cours d’acquisition.
Le prototype d’imagerie haute résolution 3D par OA+OCT plein champ est opérationnel au LESIA et peut également être utilisé pour d’autres applications, en particulier en microscopie. Des études sur la correction des aberrations dans les tissus de cervelet de souris sont actuellement menées en collaboration avec l’ENS.