mercredi 18 février 2009, par Jean-Marie Malherbe & Sylvain Cnudde
Le Soleil est la seule étoile du ciel pour laquelle, en raison de sa proximité, il est possible de voir les détails de sa surface. Rappelons que le diamètre du Soleil est de 1400000 km, et que les plus petits détails visibles dans les meilleurs télescopes font 100 km (ou 0.15 secondes de degré en valeur angulaire). Mais il s’agit là d’observations de détails, ce qui n’est pas la préoccupation des observations journalières du Soleil, qui concernent le disque solaire entier, avec une résolution plus modérée de l’ordre de 1000 km. Pourquoi observe t-on le Soleil régulièrement ? On a tout d’abord constaté que la surface du Soleil était en perpétuelle évolution, sur des échelles de temps courtes, pouvant varier de l’heure (cas des éruptions solaires) au mois (durée de vie des filaments et des taches) ; l’évolution des structures se présente d’un jour à l’autre de manière différente en raison de la rotation de l’étoile sur elle-même, qui varie de 26 jours à 31 jours de l’équateur aux pôles (le Soleil ne tourne pas comme un corps solide : sa rotation est différentielle, ce qui déforme les structures).
Les taches sont des régions de champ magnétique intense (0.1 Tesla) qui émerge de la surface solaire. Elles sont entourées de zones brillantes plus chaudes appelées facules où les champs magnétiques sont également présents. La surface tachée suit un cycle de 11 ans : c’est le cycle d’activité solaire avec ses maxima qui donnent naissance à une recrudescence des phénomènes dynamiques et éruptifs. La dimension d’une tache est comparable à celle de la Terre !
L’atmosphère du Soleil comprend la photosphère (surface visible, 500 km d’épaisseur), la chromosphère (2000 km), puis la couronne 100 fois plus chaude (millions de km) qui la raccorde au milieu interplanétaire et qui émet un flux de particules appelé vent solaire. La surface solaire observable du sol avec des instruments d’optique est constituée de la photosphère (qui révèle les taches) à 5700 degrés de température, et de la chromosphère au dessus (qui montre les filaments et les protubérances) un peu plus chaude (8000 degrés). Pour sonder ces deux couches, il faut utiliser des moyens spectroscopiques, c’est-à -dire des raies atomiques formées dans les conditions de température que l’on trouve à l’intérieur de ces couches. La couronne, quant à elle, ne se prête pas bien à l’observation terrestre, hormis pendant les éclipses, car elle est un million de fois moins lumineuse que le disque solaire. On utilise le plus souvent des télescopes spatiaux pour l’observer, car ils ne sont pas gênés par l’atmosphère terrestre.
Les astronomes observant les taches ont constatĂ© rapidement le caractère cyclique de la surface tachĂ©e en fonction du temps : le nombre de taches Ă©volue avec un cycle moyen de 11 ans, comme le montre la figure ci dessous, correspondant en rĂ©alitĂ© Ă une cyclicitĂ© magnĂ©tique de 22 ans (la polaritĂ© magnĂ©tique des deux hĂ©misphères Nord et Sud du Soleil se renversant tous les 11 ans). L’intensitĂ© des cycles est variable : il y a des cycles forts (plus de taches) et des cycles faibles. On soupçonne une seconde pĂ©riode voisine de 80 ans dans la modulation des cycles. Le passĂ© a connu des cycles très peu actifs, comme le Minimum de Maunder au temps de Louis XIV, corrĂ©lĂ© Ă une pĂ©riode climatique froide dite de « petit âge glaciaire ». Mais pour le moment, l’influence rĂ©elle des cycles solaires sur le climat terrestre reste Ă dĂ©terminer et constitue un sujet de recherches dĂ©battu.
cycles solaires (période 1979 – 1999) observés dans 3 domaines spectraux différents de la chromosphère (deux rangées du haut) et de la photosphère (rangée du bas) – couleurs artificielles - Noter l’absence de structures sur la surface aux minima solaires (1986 et 1996)
Les filaments (qui apparaissent en protubérances au bord solaire) sont constitués de matière dense de type chromosphérique (8000 degrés) en suspension dans la couronne 100 fois plus chaude sous l’influence de champs magnétiques qui les soutiennent contre la gravité.
Lors des maxima d’activitĂ© solaire (1990, 2001, 2012 (?)…), il n’est pas rare d’assister Ă des phĂ©nomènes Ă©ruptifs violents et rapides, dans l’environnement des centres actifs (taches), lĂ oĂą il existe une forte concentration d’énergie sous forme magnĂ©tique. Lors de ces phĂ©nomènes, l’énergie magnĂ©tique est convertie en Ă©nergie cinĂ©tique (mouvements) et en chaleur (phĂ©nomènes des Ă©jections de masse coronale et des Ă©ruptions). Les Ă©ruptions et Ă©jections peuvent dĂ©charger dans le milieu interplanĂ©taire une grande quantitĂ© de matière sous forme d’électrons et de protons accĂ©lĂ©rĂ©s. Lorsque ces particules parviennent Ă la Terre, elles peuvent gĂ©nĂ©rer un certain nombre de nuisances : perturbation des tĂ©lĂ©communications se rĂ©flĂ©chissant sur l’ionosphère, perturbation Ă©galement des signaux traversant l’ionosphère, (GPS etc), dĂ©gradation des engins spatiaux et des satellites artificiels, pannes Ă©lectriques rĂ©sultant de phĂ©nomènes inductifs dans les lignes Ă©lectriques, etc… A ces dĂ©sagrĂ©ments dĂ©jĂ observĂ©s sur les activitĂ©s humaines, qui justifient Ă eux seuls une activitĂ© de surveillance et de prĂ©vision de l’activitĂ© solaire (nouvelle discipline appelĂ©e « mĂ©tĂ©orologie de l’espace ») s’ajoutent des Ă©vĂ©nements d’une rare beautĂ© que sont les aurores polaires.
Une prévision de cycle se fait à Meudon au CERCLe (Cycle Eruptions et Rayonnement Cosmique au LEsia).
Trois visions de l’atmosphère solaire : à gauche, la chromosphère et ses filaments dans la raie Hα de l’Hydrogène. Au centre, d’autres structures chromosphériques comme les facules apparaîssent au cœur de la raie K du CaII. Et à droite, c’est la photosphère et ses taches dans l’aile de la raie K du CaII (les couleurs sont artificielles).
Les protubérances au dessus de la chromosphère peuvent atteindre 100 000 km de hauteur et se déstabiliser, provoquant une éjection de masse coronale pouvant se diriger vers la Terre (couleurs artificielles)
Le Soleil est dynamique et évolue en permanence : à gauche une éruption qui se développe en quelques minutes ; à droite la déstabilisation d’un filament, plus lente, s’étale sur quelques heures.
La structure interne du Soleil sous la photosphère n’est pas observable. La couronne solaire, couche très ténue située au dessus de la chromosphère et portée vraisemblablement par dissipation d’ondes à plus d’un million de degrés, est observable du sol en dehors des éclipses en ondes radioélectriques ou hors atmosphère, sur orbite terrestre, en Ultra Violet et rayons X. L’Observatoire de Nançay, rattaché à l’Observatoire de Paris, réalise quotidiennement des observations de la couronne solaire en ondes métriques, avec le radiohéliographe : elles sont présentées page suivante. Depuis l’espace, l’instrument SOHO (SOlar and Heliospheric Observatory) conçu par l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et par la NASA, envoie depuis 1996 au sol des images inédites et quotidiennes de la couronne solaire en extrême Ultra Violet dans un domaine de température allant de 80 000 degrés à 2 millions de degrés (figure ci dessous). A ces données s’ajoutent des magnétogrammes (cartographie des champs magnétiques solaires projetés le long de la ligne de visée) et des coronogrammes en lumière blanche montrant les structures de la couronne à grande distance de la surface solaire.