lundi 29 décembre 2008, par Yann Clénet
Le projet NAOS
NAOS (Nasmyth Adaptive Optics System) est le 1er système d’optique adaptative Ă avoir Ă©tĂ© installĂ© au Very Large Telescope (VLT) de l’ESO (Paranal - Chili). Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par un consortium comprenant l’Onera, l’Observatoire de Paris (le LESIA et le GEPI), l’Observatoire de Grenoble, et avec la participation de la division technique de l’INSU du CNRS. L’ESO a financĂ© la construction de NAOS et a participĂ© Ă certains sous-systèmes.
Il intègre des composants optiques, mécaniques, électroniques et informatiques sophistiqués qui lui permettent d’aiguiser le regard d’un des quatre télescopes géants du VLT : ce télescope retrouve la capacité - prédite par l’optique ondulatoire - de distinguer des détails d’autant plus fins que les miroirs sont de grande taille, capacité dont l’atmosphère l’avait privé. Pour arriver à compenser les creux et les bosses que la traversée de l’atmosphère a imprimé dans l’onde lumineuse, il faut appliquer près de 600 fois par seconde des commandes à deux miroirs :
– un miroir déformable de la société CILAS comportant 185 actionneurs utiles (photo ci-contre),
– un miroir rapide deux-axes (tip-tilt) réalisé par le LESIA.
Restituée pratiquement telle qu’elle était avant son entrée dans l’atmosphère, cette onde peut alors être focalisée pour former une image quasi-parfaite sur une caméra. NAOS fournit ses images corrigées à CONICA, une caméra infrarouge construite par un consortium de laboratoires en Allemagne.
NAOS comporte Ă©galement 2 analyseurs de surface d’onde, qui permettent de mesurer les perturbations introduites par l’atmosphère. L’un de ces analyseurs a Ă©tĂ© conçu et rĂ©alisĂ© au LESIA : il fonctionne dans l’infrarouge afin de pouvoir Ă©tudier des astres de luminositĂ© trop faible dans les longueurs d’onde visible. La photo ci-contre montre l’un des sous-systèmes de cet appareil qui fonctionne Ă très basse tempĂ©rature.
Le LESIA a Ă©galement eu la responsabilitĂ© de l’intĂ©gration finale et de la caractĂ©risation de NAOS. Pour cette dernière tâche, un hall a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© dans les locaux du CNRS-Bellevue afin de pouvoir travailler dans des conditions d’environnement et d’espace satisfaisantes : NAOS mesure 2m50 en diamètre et pèse près de 2 tonnes.
Les premières images avec NAOS
NAOS a été installé au cours du mois de novembre 2001 et a vu sa première lumière le 3 décembre 2001 (cf. le film ci-dessous).
Les images ci-dessus illustrent le gain remarquable apportĂ© par l’optique adaptative NAOS en comparant la photo d’un mĂŞme objet, l’amas stellaire dense NGC 3603 dans la constellation de la Carène, obtenue avec la camĂ©ra ISAAC du VLT (sans optique adaptative) et avec NAOS/CONICA. Le nombre d’Ă©toiles dĂ©tectĂ©es, en particulier les Ă©toiles de très faible Ă©clat, est très supĂ©rieur sur l’image obtenue avec NAOS/CONICA : cela permet une Ă©tude dĂ©taillĂ©e de la façon dont les Ă©toiles se rĂ©partissent, depuis les faibles jusqu’aux très grandes masses, lors du processus de formation stellaire. Cette rĂ©gion est particulièrement intĂ©ressante de ce point de vue, car elle est le siège d’une activitĂ© de formation stellaire parmi les plus intenses de notre Galaxie.
La rĂ©gion de Kleinmann-Low, situĂ©e autour de l’objet de Becklin-Neugebauer dans la grande nĂ©buleuse d’Orion est une rĂ©gion extrĂŞmement active du point de vue de la formation d’Ă©toiles : elle contient en particulier un amas stellaire très jeune, encore enfoui dans le cocon de gaz et de poussière oĂą il a vu le jour. Ce n’est que dans l’infrarouge que ces bĂ©bĂ©s-Ă©toiles peuvent ĂŞtre observĂ©es. La source la plus brillante est l’objet de Becklin-Neugebauer (BN) : c’est l’un des objets les plus Ă©tudiĂ©s dans la classe des proto-Ă©toiles, ces Ă©toiles qui n’ont pas encore atteint le stade oĂą les rĂ©actions de fusion nuclĂ©aire sont Ă©tablies, comme dans notre Soleil. L’image de NAOS ci-contre a permis d’Ă©tudier les Ă©jections de matière très importantes qui caractĂ©risent la phase proto-stellaire, ainsi que la formation des Ă©toiles de très petite masse qui apparaissent comme les sources les plus faibles sur cette image. Parmi ces sources, des "naines brunes" sont très certainement prĂ©sentes. Cette image a Ă©tĂ© obtenue en utilisant l’analyseur de surface d’onde infrarouge rĂ©alisĂ© par le LESIA Ă l’Observatoire de Paris. La source BN a servi de "source de rĂ©fĂ©rence" Ă l’analyseur.
La science au LESIA avec NAOS
Tous les domaines de l’astrophysique vont bénéficier de ce remarquable bond en finesse de détails procuré par NAOS. Au LESIA, Deux thématiques de recherche exploitent les impressionnantes performances de NAOS :
– l’Ă©tude des coeurs de galaxies : grâce Ă l’analyseur de surface d’onde infrarouge de NAOS, une Ă©quipe internationale comprenant des chercheurs du LESIA a dĂ©montrĂ© l’existence d’un trou noir supermassif au centre de notre propre galaxie et continue d’en suivre l’activitĂ© rĂ©gulièrement,
– l’Ă©tude des objets du système solaire : la capacitĂ© de rĂ©solution de l’instrument est telle qu’il est possible d’observer des astĂ©roĂŻdes, pour en dĂ©terminer la taille et la composition de la surface, et des dĂ©tails insoupçonnĂ©s sur les satellites de planètes gĂ©antes, comme Titan.