lundi 2 octobre 2023, par Johan Mazoyer
L’imagerie à très haute dynamique ou haut-contraste rassemble l’ensemble des techniques qui permettent de détecter et d’étudier des objets de faible magnitude orbitant très près d’objets beaucoup plus brillants. L’application la plus utilisée est la détection de planètes extrasolaires et de disques de poussières autour d’étoiles proches.
Sur les 5000 exoplanètes détectées à ce jour, seules quelques dizaines l’ont été par imagerie directe. Cette technique de détection est cependant très intéressante car elle permet dès maintenant l’observation d’objets jeunes et éloignés de leur étoile, inaccessibles aux autres méthodes de détection. D’autre part, elle permet l’observation de disques circumstellaires, disques de poussières entourant les étoiles (parfois celles autours desquelles une exoplanète a été détectée, e.g. Beta-Pictoris) apportant des informations sur la position et la taille des poussières, inaccessibles aux techniques d’excès infrarouge. Pour ces raisons, l’imagerie directe est un outil fondamental pour comprendre la formation des planètes dans les disques protoplanétaires ainsi que l’évolution de ces systèmes. Enfin, la mesure directe de la lumière émise ou réfléchie par l’exoplanète ou le disque de poussières ouvre, grâce à la spectroscopie, la voie à l’analyse chimique et thermique généralisée des atmosphères et surfaces planétaires et des poussières circumstellaires.
L’imagerie directe demande cependant la résolution de défis spécifiques : il s’agit de détecter des objets 10 milliards de fois moins lumineux que leur étoile hôte (pour les planètes telluriques), et séparés d’une fraction de seconde d’angle de leur étoile hôte. Les planètes jeunes (quelques millions à quelques dizaines de millions d’années) n’ont pas complètement évacué leur énergie de formation qui leur confère une température plus élevée. Elles émettent par conséquent une intensité supérieure aux planètes plus agées (les planètes du systèmes solaire, par exemple, qui ont 4.6 milliard d’années). Elles sont donc plus favorables pour l’imagerie directe et sont néanmoins des cibles de choix pour les programmes d’observations.
Intensité des diverses planètes du Système Solaire comparée à celle du Soleil. Le rapport de flux entre le Soleil et la Terre dans le visible est de 5 milliards. Le contraste s’améliore très nettement pour une planète chaude, comme une planète de type Jupiter quelques millions d’années seulement après sa formation.
Comme les autres équipes du Haute résolution Angulaire pour l’astrophysique (HRAA) du LESIA, l’équipe Imagerie très haute dynamique regroupe des chercheurs impliqués dans toutes les étapes de la vie d’un instrument astronomique : recherche en instrumentation pour le développement de nouvelles méthodes, participation à la conception et à la construction de futurs instruments sol et spatiaux, traitement et exploitation des données pour l’analyse des environnements proches des systèmes planétaires (exoplanètes, disques protoplanétaires et de débris). Trois méthodes instrumentales distinctes sont explorées pour l’imagerie haute dynamique : le réarrangement de pupille, la coronographie et le molecular mapping.
L’instrument FIRST (Fibered Imager foR a Single Telescope) repose sur la technique du réarrangement de pupille. Cette technique, à l’intersection de l’interférométrie et de l’imagerie haute dynamique, offre un potentiel unique pour la détection et la caractérisation spectrale de compagnons situés à de très faibles séparations angulaires. L’instrument FIRST est installé sur la plateforme d’optique adaptative extrême du télescope Subaru SCExAO (Hawaii) et a démontré des performances en résolution angulaire de 10mas dans le visible, soit 1,5 unités astronomiques (UA) à 150 pc. En parallèle, de nouveaux composants optiques pour FIRST sont développés et testés sur le banc d’expérimentation optique FIRST, situé au LESIA. Le projet FIRST regroupe 1 chercheuse permanente, 1 postdoc et 2 doctorants de notre équipe.
L’autre technique développée dans notre équipe pour l’imagerie haute dynamique est la coronographie. Un coronographe est un élément optique permettant de filtrer la lumière sur l’axe optique (l’étoile) et de ne conserver que la lumière hors axe (l’environnement proches des étoiles comme les exoplanètes ou les disques de poussière).
Les performances des coronographes spatiaux ou terrestres sont actuellement limitées par les aberrations de la surface d’onde, en raison des résidus atmosphériques mais aussi de la qualité des optiques elles-mêmes ou des discontinuités dans la pupille du télescope (araignées, segmentation du miroir primaire). Ces aberrations créent des tavelures (résidus de lumière stellaire) dans le plan focal (appelées speckles en anglais) qui limitent les performances et masquent les exoplanètes ou disques les moins brillants. La minimisation active de ces speckles en utilisant des miroirs déformables (DM) nécessite de mesurer précisément le champ électrique dans l’image coronographique. Enfin il est aussi possible de minimiser l’intensité de ces speckles a posteriori en utilisant des techniques de traitement de données appelées imagerie différentielle. Le travail en coronographie par les équipes du LESIA couvre toutes les étapes de la vie d’un instrument coronographique.
Le banc très haute dynamique (THD2) est un équipement de recherche instrumentale qui permet de développer et de tester des méthodes et des composants pour la coronographie sol ou spatiale. Ce banc de recherche et développement instrumental utilise des coronographes et des miroirs déformables pour parvenir à des contrastes (rapport entre les intensités des speckles de l’image coronographique et de l’étoile sans coronographe) de 10-8-10-9 dans le visible et le proche infrarouge. Cela en fait le banc coronographique le plus performant en Europe et l’un des trois meilleurs au monde. Le développement du banc se fait en parallèle du code informatique (python) de simulations d’instrument coronographique Asterix, dont le but est à la fois de simuler les images expérimentales et de contrôler les miroirs déformables pour la correction optique. Ce travail permet d’étudier et de développer des techniques actives pour la coronographie, qui sont ensuite validées sur ciel sur plusieurs télescopes (Subaru, Palomar, VLT). Ce travail, à la fois numérique et expérimental, regroupe trois chercheurs permanents du LESIA, une post-doctorante et un doctorant. En parallèle de cette recherche instrumentale, la majorité des chercheurs de l’équipe sont fortement impliqués dans le développement des futurs instruments pour les grands télescopes européens.
L’imageur d’exoplanètes SPHERE (Spectro-Polarimetric High-Contraste Exo-planet REsearch) est un instrument coronographique installé et en fonctionnement au Very Large Telescope depuis fin 2014. Les différents sous-systèmes de SPHERE ont été conçus, construits et intégrés par un consortium de douze instituts européens sur plus d’une décennie. Le LESIA a dirigé le développement de la suite coronographique. Huit ans après la mise en place de cet instrument, les limitations de SPHERE ont été comprises et de nouvelles techniques d’optique adaptative et de coronographie sont apparues. Le projet SPHERE+, dirigé par le LESIA et impliquant une douzaine d’instituts en Fance et en Europe a pour objectif de modifier SPHERE pour obtenir de meilleures performances. Trois chercheurs permanents de l’équipe haute dynamique sont impliqués dans SPHERE+, en proche collaboration avec l’équipe optique adaptativedu LESIA.
L’instrument de première lumière de l’ELT MICADO, acronyme de Multi-Adaptive Optics Imaging Camera for Deep Observations, est conçu pour des observations en imagerie et spectroscopie dans le proche infrarouge, avec une combinaison sans précédent de sensibilité et de précision. Cet instrument inclut une branche coronographique. Deux chercheurs permanents et une doctorante de l’équipe haute dynamique sont impliqués dans la branche coronographique de MICADO en proche collaboration avec l’équipe optique adaptative du LESIA.
Enfin, l’équipe est impliquée dans l’exploitation des données des grands télescopes au sol et spatiaux, dont elle a parfois développée les instruments ou sous-instruments coronographiques (VLT/SPHERE, JWST/MIRI pour n’en citer que deux).
L’analyse des données coronographiques nécessite l’utilisation de traitement d’images avancées qui sont l’une des expertises de notre équipe. Ces codes numériques sont ensuite utilisés par les consortia dont les chercheurs et chercheuses du LESIA font partie. L’analyse des données coronographiques SPHERE a donné lieu à de nombreuses publications récentes de notre équipe en particulier sur les disques de débris et les disques protoplanétaires.
Au sein du projet ERC COBREX (PI Lagrange), les chercheurs de l’équipe haute dynamique développent de nouvelles techniques d’analyse de données sur une grande librairie de données d’archives combinée avec de nouvelles données. Il s’agit de combiner les données de multiples instruments coronographiques pour améliorer la capacité des exoplanètes et les disques circumstellaires dans lesquels elles se forment. Les objectifs sont de détecter pour la première fois des planètes jeunes, analogues aux géantes gazeuses du système solaire, de contraindre la distribution de ces planètes dans la région 5-20 UA et enfin, d’explorer la démographie des planètes géantes jeunes à toutes les séparations. L’équipe COBREX inclut 5 chercheurs 3 doctorants et 2 post-doctorants dans l’équipe haute dynamique du LESIA.
Les performances des instruments d’imagerie directe permettent maintenant d’espérer obtenir des détections conjointes avec d’autres techniques, en particulier avec les vitesses radiales et l’astrométrie. Un doctorant et un post-doctorant sont directement spécialisés dans ces techniques avec l’objectif d’identifier ou de contraindre l’orbite de compagnons à très longue séparation grâce à des données obtenues en vitesses radiales et en astrométrie avec GAIA. Ces détections sont utilisées pour proposer de nouvelles observations.
Le LESIA a contribué à l’étude et à la réalisation d’un ensemble de coronographes stellaires installés dans l’instrument moyen-infrarouge (MIRI) du télescope spatial JWST (James Webb Space Telescope). Avec le lancement fin 2021 de JWST, l’exploitation des données de cet instrument a commencé avec l’analyse de disques de débris et d’exoplanètes connues. Récemment les coronographes de MIRI ont permis la première image JWST d’une exoplanète (HIP 65426 b) ouvrant la voie à l’analyse de ces objets en infrarouge moyen.
Première image d’une exoplanète (HIP 65426 b) grâce à l’instrument MIRI du JWST
Enfin, une nouvelle technique a récemment rejoint l’arsenal de méthodes d’imagerie directe d’exoplanètes, le molecular mapping. Cette technique utilise les différences supposées a priori entre le spectre d’une étoile hôte et celui d’une planète non détectée dans les données de spectrographe à intégrale de champ. Elle peut être combinée ou non à de la coronographie. L’objectif est d’améliorer les performances en détection et de permettre la détection de molécules spécifiques dans les atmosphères d’exoplanètes ainsi découvertes. Cette méthode est utilisable sur les données de tous les télescopes équipés de spectrographe à intégrale de champ et une thèse est actuellement en cours sur l’utilisation du molecular mapping sur le Medium Resolution Spectrometer de l’instrument MIRI (JWST).
L’équipe Imagerie très haute dynamique du pôle HRAA se compose actuellement de 4 chercheurs et 2 chercheuses en poste au LESIA, 4 doctorants et 5 doctorantes, 4 post-doctorant et 1 post-doctorante, et 1 ingénieur CDD. Cette équipe du pôle est entièrement dédiée aux exoplanètes et à ce titre travaille en proche collaborations avec les chercheurs du pôle planétologie au sein de l’équipe transverse exoplanètes. La présence d’une ANR (FIRST, PI : Huby) et d’une ERC (COBREX, PI : Lagrange) dans l’équipe explique le grand nombre de chercheurs non permanents.
Noms | Statut | Expertises Principales |
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Pierre Baudoz | Chercheur permanent | Instrumentation (coronographie), Traitement d’image, MICADO |
Anthony Boccaletti | Chercheur permanent | Instrumentation (coronographie, SPHERE+) et Observations (JWST, SPHERE, disques de poussière) |
Raphaël Galicher | Chercheur permanent | Instrumentation (coronographie) et observation (exoplanètes), Traitement d’image, SPHERE / SPHERE+ |
Elsa Huby | Chercheuse permanente | Instrumentation et observation (coronographie et Masquage de pupille), FIRST, MICADO |
Anne-Marie Lagrange | Chercheuse permanente | Observations (disques de débris et exoplanètes, Vitesses radiales et imagerie), SPHERE, COBREX |
Johan Mazoyer | Chercheur permanent | Instrumentation (coronographie) et observations (disques de débris) , Traitement d’image, GPI / SPHERE+ |
Antoine Chomez | Chercheur Doctorant | Traitement image et observation (exoplanètes) |
Yann Gutierrez | Chercheur Doctorant | Instrumentation (coronographie) |
Harry-Dean Kenchington Goldsmith | Chercheur Post-Doctorant | Instrumentation (masquage de pupille) |
Flavien Kiefer | Chercheur Post-Doctorant | Vitesses radiales et Astrométrie |
Iva Laginja | Chercheuse Post-Doctorante | Instrumentation (coronographie) |
Manon Lallement | Chercheuse Doctorante | Instrumentation (masquage de pupille) |
Clément Perrot | Ingénieur | JWST |
Vito Squicciarini | Chercheur Post-Doctorant | Observations et traitement du signal (exoplanètes) |
Sophia Stasevic | Chercheuse Doctorante | Observation (disques de débris) |