mardi 7 octobre 2008
La sonde spatiale Ulysse fête son dix-huitième anniversaire dans l’espace. Pour couronner son succès, les dernières observations d’Ulysse viennent de donner des résultats inattendus concernant le vent solaire. Malheureusement, l’énergie nécessaire au fonctionnement de la sonde étant presque épuisée, Ulysse devrait donner son dernier souffle d’ici la fin de l’année…
Lancée le 6 octobre 1990 par la navette américaine Discovery, Ulysse est une mission issue d’une collaboration étroite entre l’ESA et la NASA. Grâce à son orbite exceptionnelle hors du plan de l’écliptique (par effet de fronde gravitationnelle de Jupiter), Ulysse est la seule sonde à avoir étudié l’environnement spatial à toutes les latitudes héliographiques (80 degrés Sud à 80 degrés Nord) autour de notre Soleil. Ulysse a permis ainsi de cartographier l’héliosphère (zone d’influence du soleil vue comme une bulle soufflée par le vent solaire) en quatre dimensions au cours de plus d’un cycle solaire.
Ulysse a eu pour mission principale l’étude des propriétés du vent solaire, un plasma (gaz ionisé) composé principalement d’électrons et de protons, éjecté à une vitesse pouvant atteindre 800 km/s. Ce vent rapide, provenant des trous coronaux polaires du soleil, n’était que très sporadiquement observé dans le plan de l’écliptique. Ulysse a permis de montrer qu’il était présent tout au long du cycle solaire, disparaissant seulement en maximum solaire lorsque les trous coronaux ne sont plus présents à la surface solaire. La fabrication d’une partie des instruments d’Ulysse, financée par le CNES, et leur exploitation scientifique notamment par les équipes du LESIA, montrent que la communauté française a largement contribué aux différentes découvertes d’Ulysse, et cela parfois dans des domaines inattendus comme en planétologie dans le Tore de plasma d’Io, ou encore pour la période de rotation anormale de Saturne observé par le rayonnement kilométrique de la planète. Citons encore que des mesures d’Ulysse combinées aux observations sol du radiohéliographe de Nançay ont montré l’existence de « canaux magnétiques » dans le milieu interplanétaire ancrés dans les régions actives de la couronne solaire et bien identifiés au-delà de 4 UA dans lesquels des particules énergétiques (en particulier sources d’événements solaires de type III) se propagent.
Alors que son espérance de vie n’était que de 5 ans, Ulysse a effectué 3 passages polaires autour de notre étoile : en 1994-1995 en minimum d’activité solaire, en 2001 en maximum solaire, et depuis février 2007 il a entamé une dernière orbite à nouveau en minimum solaire. Tous les instruments à bord ont donné jusqu’au bout pleinement satisfaction et ont pu étudier le vent solaire à treize ans d’intervalle entre les 2 premiers survols, se produisant dans des conditions similaires, si ce n’est que les pôles magnétiques du soleil se sont renversés : depuis 2001 le pôle nord magnétique se trouve au sud et vice-versa. Lors de ce troisième survol, Ulysse a constaté contre toute attente des changements inattendus du vent solaire rapide. En effet, Ulysse a montré que le vent rapide des hautes latitudes solaires est aujourd’hui 20% moins dense et 13% plus froid qu’en 1994-95, baisse notable corroborée par les mesures du champ magnétique interplanétaire montrant également une baisse dans son intensité de plus de 35% (Issautier et al., 2008). Ces résultats nouveaux remettent en question notre compréhension de la génération du vent solaire et doivent être reliés au cycle solaire de 22 ans, ainsi qu’aux fluctuations de la dynamo solaire sur de longues périodes de temps.
Un quart de siècle après sa construction, les instruments d’Ulysse ont déjà été mis en veille le 31 mai 2008, laissant à la sonde les derniers reliquats d’énergie à sa survie avant la coupure générale prévue d’ici la fin de l’année où le froid interplanétaire mettra définitivement en sommeil cette mission unique. Ulysse laissera néanmoins derrière lui une foison de données exceptionnelles qui resteront encore à exploiter.
Flux d’électron normalisé à 1 UA en fonction de la latitude, pour les trois passages polaires d’Ulysse dans les trous coronaux polaires (les couleurs correspondent aux régions de hautes latitudes mentionnées à droite de la figure, avec la structure de la couronne vue par Soho). Le flux d’électron montre une baisse de plus de 25% entre les deux survols polaires en minimum d’activité solaire. (Issautier et al., GRL, 2008).
Contact : Karine Issautier, chercheur CNRS, Observatoire de Paris – LESIA
Référence : Issautier, K., Le Chat, G., Meyer-Vernet, N., Moncuquet, M., Hoang, S., MacDowall, R. J., McComas, D. J., Electron properties of high-speed solar wind from polar coronal holes obtained by Ulysses thermal noise spectroscopy : Not so dense, not so hot, Geophys. Res. Lett., Vol. 35, No. 19, L19101, doi:10.1029/2008GL034912, 2008