mercredi 25 juillet 2012, par le groupe "plasma"
Depuis quelques années, à côté des traditionnels codes utilisés pour la simulation de plasmas nous avons commencé à utiliser des techniques N-corps pour simuler numériquement des plasmas spatiaux ou des plasmas de laboratoire dans lesquels les collisions entre les charges constituantes jouent un rôle non négligeable. Ainsi, il y a 5 ans, nous avons pu montrer à l’aide d’un code de type N-corps, dépendant d’une seule coordonnée spatiale et développé au LESIA, que le flux de chaleur dans le vent solaire doit être plus intense que ce qui est généralement admis (Landi et Pantellini, 2003).
Plus récemment, en voulant adapter le code à l’étude de l’effet des pertes radiatives sur la structure du plasma de la couronne solaire, nous nous sommes intéressés à la simulation de systèmes granulaires. Les systèmes granulaires sont très répandus dans la vie de tous les jours : le sable, la neige, les tas de pommes de terre en sont des exemples. Mais les systèmes granulaires ne sont pas rares en astrophysique : les anneaux astrophysiques, tels les anneaux de Saturne, les nuages protoplanétaires et la matière interstellaire froide en général en sont des exemples concrets. Dans Pantellini et Landi (2008) nous étudions le processus de formation de conglomérats (grumeaux) de grains denses et froids. La tendance à former des grumeaux est une caractéristique quasi-universelle des systèmes granulaires. Nous avons montré que lors du processus de formation les forces de friction entre les espèces de grains différents pousse les grains les plus lourds vers le centre des grumeaux en expulsant les grains légers vers les bords. Ce travail illustre à merveille la versatilité de ce type de code permettant de simuler à la fois des écoulements granulaires et le vent solaire à grande échelle. Nous prévoyons de revenir à l’étude de la couronne et du vent solaire au cours des prochains mois, en particulier avec la venue au LESIA de Lorenzo Matteini (Université de Florence) sur un postdoc de l’Observatoire.
En 2002, W. Dehnen du Max-Planck-Institut à Heidelberg publie un nouveau code N-corps 3D pour l’étude des systèmes de corps à interaction gravitationnelle tels l’ensemble des étoiles d’une galaxie. L’extrême efficacité du code nous a incité à l’adapter pour la simulation des plasmas collisionnels, ou non collisionnels, pour enfin réaliser des simulations dites "ab initio", c’est à dire ne comportant aucune hypothèse forte sur les propriétés du plasma à simuler. Arnaud Beck a ainsi, au cours de sa thèse, étudié le problème de l’expansion d’un plasma dans le vide, problème difficilement abordable avec d’autres codes à cause de la présence d’une frontière plasma-vide, le degré de collisionnalité variant de manière extrêmement forte dans le milieu. L’expansion d’un plasma dans le vide est un sujet extrêmement porteur dans le cadre de la physique de l’interaction lasers-plasmas et de la recherche sur la fusion inertielle.
Le problème fondamental de l’accélération du vent solaire et des vents stellaires du même type est l’absence de théorie du transport de l’énergie en plasma faiblement collisionnel, dans lesquels les fonctions de distribution des particules ne sont pas Maxwelliennes. Ce problème a d’abord été abordé dans le cadre des modèles exosphériques de vent basés sur l’équation de Vlasov. Ensuite, des simulations cinétiques avec des collisions Coulombiennes ont été réalisées en utilisant des fonctions Maxwelliennes ou non (Zouganelis et al., 2005). Les résultats des modèles exosphériques et des simulations cinétiques sont en bon accord malgré la différence fondamentale sur, à la fois, la physique et la méthodologie, ce qui est a priori surprenant. L’accord entre les deux approches est très probablement dû au fait qu’un faible taux de collisionnalité est implicite dans les modèles exosphériques du fait que certaines trajectoires de particules, qui ne sont pas accessibles à partir de l’exobase, sont peuplées de façon à minimiser les discontinuités de la fonction de distribution des vitesses. L’existence d’électrons piégés dans les modèles exosphériques est une condition nécessaire pour que le vent soit supersonique, tout comme les collisions dans les simulations cinétiques sont nécessaires pour produire un vent supersonique (Thèse de Doctorat de I. Zouganelis, 2005). L’ensemble de ce travail a montré que la présence d’électrons suprathermiques dans la couronne solaire permet d’accélérer le vent rapide, même en présence de collisions. Afin de pouvoir appliquer ces résultats aux vents d’autres étoiles, nous avons étudié la variation de la vitesse du vent avec le rapport de la vitesse thermique des ions sur leur vitesse d’échappement du potentiel gravitationnel de l’étoile, et montré dans quel domaine de masse-rayon-température la présence d’électrons suprathermiques augmente la vitesse du vent.
Dans un contexte astrophysique plus général, nous avons débuté une étude du flux d’énergie des vents stellaires (Le Chat et al., AIP, 2009). Nous avons montré que le flux d’énergie du vent solaire, mesuré par plusieurs sondes spatiales à des positions différentes, pendant plus de trente ans, est quasiment constant et indépendant de la latitude, de la vitesse du vent et de l’activité du soleil, ce qui formalise la relation empirique entre la vitesse et la densité (Le Chat et al. 2012). Comparé à d’autres étoiles (depuis les étoiles jeunes jusqu’aux super géantes), les résultats montrent que le flux est constant pour un grand nombre d’objets, laissant supposer un processus commun à l’origine de ces vents stellaires.
Le code ECLIPS (Emissions CycLotron dues à l’Interaction Planète-Satellite) est un code particules-test (les champs dus aux particules ne sont pas pris en compte) 1D, qui permet de simuler la distribution de particules le long d’une ligne de champ magnétique planétaire, en prenant en compte la présence de champs pouvant éventuellement accélérer les particules. A partir des distributions électroniques simulées, les taux de croissance de l’instabilité MASER-cyclotron (qui est à l’origine des émissions radio planétaires) sont calculés analytiquement pour les divers gradients positifs (en vperp) présents dans la distribution (cône de perte, anneau, coquille). Les diagrammes de rayonnement calculés pour les sources MASER- cyclotron sont alors injectés en entrée du code SERPE (Simulateur de la visibilité des Émissions Radio Planétaires et Exoplanétaires), qui calcule les spectres dynamiques produits par une distribution quelconque de sources et détectés par un observateur fixe ou en mouvement. Ces codes ont été appliqués au cas de l’interaction Io-Jupiter et ont permis de clarifier les processus d’accélération à l’origine des émissions liées à cette interaction. Leur application à Saturne permet la simulation des spectres dynamiques mesurés par Cassini et des études multispectrales précises (par ex. la distribution des sources UV aurorales peut être injectée dans SERPE pour simuler les observations radio simultanées).