Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Rosetta observe le cycle de la glace d’eau sur la comète

mardi 29 septembre 2015

(mise à jour le 2 octobre 2015)

A partir des données fournies par la sonde Rosetta de l’ESA sur la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, des chercheurs, notamment du LESIA et de l’IPAG (Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble), apportent la première preuve observationnelle de l’existence d’un cycle quotidien de la glace d’eau à la surface de la comète.

Parvenue à destination en août 2014, Rosetta étudie de près, depuis plus d’un an, la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, surveillant la façon dont son activité augmente régulièrement au cours des mois. La comète a atteint le périhélie, le point le plus proche du Soleil sur son orbite de 6 ans et demi, le 13 août 2015, et s’éloigne maintenant vers l’extérieur du Système solaire.

La comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko
La comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko

© ESA/Rosetta/NAVCAM

Une des questions étudiée par les spécialistes des comètes concerne les processus physiques qui alimentent l’activité de dégazage. L’idée est de comprendre comment la glace d’eau est extraite du sol pour approvisionner la coma en vapeur d’eau.

Selon une étude présentée aujourd’hui dans la revue scientifique Nature, une équipe scientifique a observé la glace d’eau apparaître et disparaître quotidiennement sur une région de la comète. Ces observations ont été fournies par l’instrument VIRTIS, le spectromètre imageur visible, infrarouge et thermique de Rosetta, en septembre 2014 lorsque la comète se trouvait à environ 500 millions de kilomètres du Soleil. L’équipe a étudié un ensemble de données de VIRTIS recueillies en septembre 2014 et centrées sur Hapi, une région située sur le « cou » de la comète qui durant cette période était l’un des endroits les plus actifs du noyau.

Quand la lumière du Soleil chauffe le noyau gelé d’une comète, la glace d’eau contenue dans le sol sublime. La vapeur d’eau qui en résulte s’échappe de la surface, emportant avec elle des poussières solides : ensemble, ce mélange de gaz et de poussières approvisionne la coma et la queue brillante qui rendent observables les comètes depuis la Terre.

La région HAPI, dans le « cou » de la comète 67 P/Tchourioumov-Guerassimenko
La région HAPI, dans le « cou » de la comète 67 P/Tchourioumov-Guerassimenko

Région baptisée Hapi, telle qu’observée par l’instrument VIRTIS, spectro-imageur visible, infrarouge et thermique de Rosetta en septembre 2014. À gauche, image de la surface de la comète prise en visible. Au centre, cartographie de l’abondance de la glace. À droite, cartographie de la température de surface.
© ESA/Rosetta/VIRTIS/INAF-IAPS/OBSERVATOIRE DE PARIS-LESIA/DLR ; M.C. De Sanctis et al (2015)

Au cours de la journée, qui dure en un peu plus de 12 heures, les différentes régions subissent des conditions d’éclairage variées.

Les données suggèrent que durant le jour, la glace d’eau sublime dans les premiers centimètres du sol, se transformant en gaz et migrant vers la surface. A la tombée de la nuit, la surface refroidit très rapidement ; les couches plus profondes, qui ont accumulé la chaleur solaire, refroidissent plus lentement et restent plus chaudes.

La glace d’eau à quelques centimètres sous la surface continue donc de sublimer et de migrer vers la surface à travers le sol poreux. Dès que cette vapeur d’eau « souterraine » atteint la surface froide, elle gèle à nouveau, créant ainsi une pellicule de glace fraîche sur cette région.

Lorsque le Soleil se lève à nouveau sur cette région, les molécules dans la couche de glace nouvellement formée subliment immédiatement, et le cycle reprend.

Cycle de la glace d'eau observé par l'instrument VIRTIS
Cycle de la glace d’eau observé par l’instrument VIRTIS

Le cycle de la glace d’eau tel qu’observé par l’instrument VIRTIS de Rosetta dans la région Hapi de la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, en septembre 2014.
© ESA/Rosetta/VIRTIS/INAF-IAPS/OBSERVATOIRE DE PARIS-LESIA/DLR ; M.C. De Sanctis et al (2015)

« Nous avions soupçonné qu’un tel cycle de la glace d’eau pouvait exister dans les comètes, sur la base de modèles théoriques et d’observations antérieures d’autres comètes, mais maintenant, grâce à la surveillance continue par Rosetta de 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, nous disposons enfin d’une preuve observationnelle », précise Fabrizio Capaccioni, responsable scientifique de VIRTIS à l’INAF-IAPS à Rome, Italie.

À partir de ces données, il est possible d’estimer l’abondance relative de la glace d’eau par rapport à d’autres matériaux dans les premiers centimètres de la surface. Sur la portion sondée de la surface, la quantité de glace d’eau représente jusqu’à 10 ou 15% en masse, et elle est intimement mélangée avec les autres composants du sol (poussière organiques, minéraux, etc).

« Il est possible que de nombreuses régions à la surface connaissent ce cycle, fournissant ainsi une contribution au dégazage global de la comète, mais d’autres mécanismes peuvent également contribuer à l’activité », ajoute Capaccioni.

Les scientifiques s’occupent actuellement de l’analyse des données recueillies lors des mois suivants, pendant lesquels l’activité de la comète a augmenté alors qu’elle s’approchait du Soleil.

« Rosetta a la capacité essentielle de suivre les modifications de la comète sur des échelles de temps courtes ou longues, et nous avons hâte de pouvoir combiner toutes ces informations pour comprendre l’évolution de cette comète et des comètes en général » conclut Matt Taylor, responsable scientifique de la mission Rosetta de l’ESA.

Référence

Ce travail de recherche fait l’objet d’un article intitulé « The diurnal cycle of water ice on cometary nuclei », par Maria Cristina de Sanctis, et al., publié dans la revue Nature, le 24 septembre 2015.

Les résultats sont basés sur des spectres infrarouges obtenus les 12, 13 et 14 septembre 2014 par VIRTIS, le spectromètre imageur visible, infrarouge et thermique de Rosetta.

Collaboration

Ce résultat, fruit d’une collaboration internationale, implique la participation de six chercheurs français, issus du LESIA et de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (Université Joseph Fourier / CNRS). Le LESIA a fourni le canal à haute résolution de VIRTIS et est responsable des observations de cet instrument.

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