mercredi 15 décembre 2010
Une équipe franco – britannique d’Astronomes a développé une innovation clef en optique adaptative appelée optique adaptative multi - objet (acronyme anglais MOAO). Cette avancée ouvre la voie à l’observation de sources astronomiques très faiblement lumineuses dans un très grand champ de vue. Il s’agit du démonstrateur CANARY installé sur le télescope William Herschel aux îles Canaries en Espagne. Dans CANARY, la MOAO utilise les mesures faites sur trois étoiles guides hors de la ligne de visée pour déformer un miroir placé dans le faisceau lumineux de l’étoile test, afin de compenser les effets néfastes créés par la turbulence de l’atmosphère. CANARY a atteint des performances tout aussi bonnes que celles d’une optique adaptative classique. Cette technologie valide la faisabilité de l’instrument, appelé EAGLE, destiné à l’analyse simultanée d’une vingtaine de galaxies présentes dans l’Univers jeune et qui équipera l’European Extremely Large Telescope (ESO).
Comprendre comment l’Univers a pu évoluer de son état de densité quasi uniforme juste après le Big-Bang jusqu’à sa très forte structuration actuelle en étoiles, galaxies et amas de galaxies est une des questions clés de la cosmologie. Ce n’est qu’après l’époque de la formation des premières étoiles et/ou galaxies que l’Univers devient observable faisant suite à l’âge sombre, environ 800 millions d’années après le Big-Bang. Observer les étoiles et les galaxies présentes à cette période permettra de comprendre comment l’Univers s’est structuré.
Afin de pouvoir conduire de telles observations, le premier des outils est un télescope de taille extrêmement grande. C’est le projet de télescope géant européen (E-ELT ESO) dont le miroir primaire fait 42 mètres de diamètre et qui se situera dans le désert d’Atacama au Chili. Ce télescope subira les effets inévitables de la turbulence atmosphérique, qui brouille les images et en détruit le contraste et la résolution. Pour lui permettre d’exprimer l’extrême finesse de qualité d’image dont il est capable, il devra être équipé de la technologie de l’optique adaptative. Il s’agit d’utiliser un miroir déformable pour compenser en temps réel les avances et les retards subis par les fronts d’onde de la lumière après propagation dans l’atmosphère. Jusqu’ici l’optique adaptative ne pouvait efficacement corriger la turbulence que sur un champ de vue étroit. Mais pour une analyse approfondie de l’Univers jeune, il est indispensable d’avoir une vision plus étendue et donc des champs de vue dix fois plus larges sont nécessaires. C’est l’objectif de l’instrument EAGLE qui est en cours de définition en France et au Royaume-Uni et qui devrait permettre l’observation en parallèle de 20 galaxies lointaines dans un champ de 5 minutes d’arc, chacune devant être corrigée des perturbations atmosphériques.
Cependant, les galaxies primordiales sont trop faiblement lumineuses pour permettre une quelconque mesure de ces perturbations. Celle-ci doit alors s’appuyer sur l’information lumineuse des rares étoiles guides présentes dans le champ de vue, complétée par la création par laser d’étoiles artificielles quand le nombre d’étoiles guides naturelles disponibles n’est pas suffisant. Par ailleurs, la compensation de la turbulence par un seul miroir déformable n’est plus aussi efficace qu’en optique adaptative classique, à cause de la très grande taille du champ de vue. Les galaxies primordiales ayant une très petite taille visible (de l’ordre d’une seconde d’arc), il n’est en fait nécessaire de corriger que des petits îlots correspondant aux galaxies à observer. La nouvelle technologie, appelée optique adaptative multi - objet (en anglais Multi-Object Adaptive Optics : MOAO), utilise donc un miroir déformable par galaxie-cible. Pour chacune d’entre elle (20 pour EAGLE), ce miroir est déformé en fonction des mesures faites sur toutes les étoiles guides du champ, par le biais d’un sondage tomographique [1] de l’atmosphère.
Cette nouvelle technologie vient d’être démontrée sur le ciel pour la première fois au monde par des membres de l’équipe EAGLE au télescope William Herschel de 4,2 mètres de diamètre à La Palma aux îles Canaries en Espagne (voir la photo). Le démonstrateur s’appelle CANARY. Les mesures sont faites sur trois étoiles guides se situant à grande distance de l’étoile test où est estimée la correction de la dégradation des images. 150 fois par seconde, la correction est appliquée au miroir déformable placé dans le faisceau lumineux de l’étoile test. Les performances de CANARY sont à la hauteur des espérances placées dans la MOAO. La figure jointe présente les images de cette étoile test sans la correction (montrant l’effet de la turbulence) et avec la correction par MOAO. La qualité obtenue de l’image est très proche de celle mesurée en mode optique adaptative classique dans les mêmes conditions. La prochaine étape sera de répéter l’expérience mais avec des étoiles guides artificielles créées par laser.
Images enregistrées dans le proche infrarouge (1.65 microns) par CANARY : gauche sans correction, droite avec la correction par MOAO recouvrant la limite de diffraction du télescope.
Les laboratoires impliqués dans le développement et la première démonstration de CANARY :
Pr. Gérard Rousset (LESIA) et Dr. Richard Myers (Durham University) sont les responsables du projet CANARY. L’équipe CANARY remercie les contributions de Engineering and Project Solutions Ltd et de Isaac Newton Group qui gère le télescope William Herschel.
Les laboratoires impliqués dans le développement de l’instrument EAGLE :
Le projet EAGLE est mené par Dr. Jean-Gabriel Cuby (LAM) et Pr. Simon Morris (Durham University). Pour les prochaines étapes de démonstration de CANARY (avec étoiles lasers), tous les membres du consortium EAGLE seront impliqués.
Les financements de CANARY :
[1] Cette méthode consiste :