mardi 14 décembre 2021
Une équipe internationale de chercheurs de dix pays, dirigée par Michael Kramer, de l’Institut Max Planck de radioastronomie de Bonn, en Allemagne, et incluant un chercheur du LESIA a mené pendant 16 ans une expérience visant à remettre en question la théorie de la relativité générale d’Einstein. Cette étude d’un système à deux étoiles compactes, appelées pulsars, a impliqué sept radiotélescopes à travers le monde et a révélé de nouveaux effets relativistes qui étaient attendus et qui ont maintenant été observés pour la première fois. La théorie d’Einstein concorde avec l’observation à un niveau d’au moins 99,99%. Les résultats ont été publiés le 15 décembre 2021 dans la revue Physical Review X.
Plus de 100 ans après la présentation de la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, les scientifiques du monde entier poursuivent leurs efforts pour tester cette théorie. Cette nouvelle étude porte sur de nouvelles observations du "Pulsar Double", découvert par des membres de l’équipe en 2003. Il se compose de deux pulsars radio (des étoiles 30% plus massives que le Soleil pour un diamètre de seulement 24 km !) qui orbitent l’un autour de l’autre en seulement 147 min avec des vitesses d’environ 1 million de km/h. L’un des pulsars tourne très vite sur lui-même, environ 44 fois par seconde. Le deuxième pulsar est plus jeune et a une période de rotation de 2,8 secondes. Ce système d’étoiles est donc un laboratoire unique pour tester les théories relativistes en présence de champs gravitationnels très forts.
© Michael Kramer/MPIfR
Sept prédictions différentes de la relativité générale ont pu être testées avec ce système, toutes en accord avec la théorie. L’énergie émise sous forme d’ondes gravitationnelles a été mesurée avec une précision 25 fois supérieure à celle obtenue pour le pulsar B1913+16, récompensée par le prix Nobel 1993, et 1000 fois supérieure à ce que permettent actuellement les détecteurs d’ondes gravitationnelles. Les chercheurs ont aussi pu observer le retard de la lumière causée par la forte courbure de l’espace-temps autour du pulsar compagnon, ainsi que la "dilatation du temps" qui fait que les horloges tournent plus lentement dans les champs gravitationnels. Il faut même tenir compte de la célèbre équation d’Einstein E = mc2 pour considérer l’effet du rayonnement électromagnétique émis par le pulsar en rotation rapide sur le mouvement orbital. Ce rayonnement correspond à une perte de masse de 8 millions de tonnes par seconde ! Si cela semble beaucoup, ce n’est qu’une infime fraction - 3 parties sur mille milliards de milliards ! - de la masse du pulsar par seconde.
Les chercheurs ont également mesuré - avec une précision d’une partie sur un million ! - que l’orbite change d’orientation, un effet relativiste également bien connu de l’orbite de Mercure, mais ici 140 000 fois plus fort. Les chercheurs ont réalisé qu’à ce niveau de précision, ils devaient également tenir compte de l’impact de la rotation du pulsar sur l’espace-temps environnant, qui est "entraîné" par le pulsar en rotation.
Toutes ces observations confirment les prédictions de la relativité générale. De futures observations avec les radiotélescopes MeerKAT et le Square Kilometre Array en Afrique du Sud permettront encore d’approfondir la précision des tests de la théorie d’Einstein et, peut-être un jour, de détecter d’éventuelles déviations.
De gauche à droite et de haut en bas : Effelsberg Radio Telescope (Allemagne), Nançay Radio Telescope (NRT, France), Westerbork Synthesis Radio Telescope (WSRT, Pays Bas), Parkes Radio Telescope (Australie), Jodrell Bank Telescope (UK), Very Long Baseline Array (VLBA, U.S.), Green Bank Telescope (GBT, U.S.).
© Norbert Junkes/MPIfR (Effelsberg), Letourneur and Nançay Observatory (NRT), ASTRON (WSRT), ATNF/CSIRO (Parkes), Anthony Holloway (Jodrell Bank), NRAO/AUI/NSF (VLBA & GBT).
DOI : 10.1103/PhysRevX.11.041050
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