Dans le cadre d’une collaboration internationale, des chercheurs du LESIA ont découvert un groupe d’étoiles géantes rouges énigmatiques, dont l’existence même remet en question le modèle standard d’évolution chimique de notre Galaxie, la Voie lactée. Cette découverte fait l’objet d’un article paru dans la revue "Astronomy and Astrophysics" du mois d’avril 2015.
Une équipe internationale, dirigée par Cristina Chiappini de l’Institut Leibnitz à Potsdam, à laquelle participent plusieurs chercheurs de l’équipe CoRoT du LESIA, a découvert un groupe d’étoiles géantes rouges énigmatiques : dotées d’une composition chimique analogue à celle de vieilles étoiles, elles présentent des propriétés sismiques inhérentes aux étoiles jeunes.
En abscisse la distance au centre galactique, et en ordonnées la hauteur au dessus du plan galactique, exprimées en années lumière. Les géantes rouges observées par CoRoGEE apparaissent en rouge ; celles dont la composition chimique ne suit pas l’horloge galactique sont représentées par des symboles surlignés en noir.
F. Anders
L’existence de ces objets montre que le modèle standard d’évolution chimique de la Galaxie semble pris en défaut. Il est probablement bien plus complexe qu’on ne l’imagine.
L’archéologie galactique suppose que l’histoire de notre Galaxie est encodée à la fois dans les quantités d’éléments chimiques variés observés dans les atmosphères stellaires, et aussi dans les mouvements propres des étoiles.
Un des piliers de cette discipline est l’utilisation des rapports d’abondance comme indicateur indirect de l’âge.
Tandis que les étoiles massives, qui explosent en supernovae par effondrement de leur cœur, enrichissent le milieu interstellaire en éléments alpha [1] sur des échelles de temps courtes, les supernovae de type I produisent les éléments du pic du fer sur des échelles de temps beaucoup plus longues.
Le milieu interstellaire s’enrichit donc en éléments alpha plus rapidement qu’en éléments du pic du fer, et la comparaison de leurs abondances est traditionnellement utilisée comme horloge chimique de la Galaxie
Il est maintenant possible de déterminer l’âge des étoiles très précisément grâce à la sismologie. L’astérosismologie, réalisée par les missions spatiales CoRoT puis Kepler, mesure des fréquences de pulsation, qui sont directement reliées à la structure interne des étoiles, et donc à leur âge.
« Prises séparément, les mesures d’abondances et les mesures sismiques sont intéressantes bien sûr, mais seule leur juxtaposition permet d’étudier quasi-directement l’âge des étoiles. », souligne Benoît Mosser, professeur des universités à l’Observatoire de Paris, l’un des auteurs français de ces travaux.
Le nouvel ensemble d’étoiles CoRoGEE (pour CoRoT APOGEE) est le résultat d’une collaboration entre le groupe de travail « Géantes Rouges » de CoRoT et l’équipe internationale APOGEE (Apache Point Observatory Galactic Evolution Experiment) qui a mené un grand programme de relevé à haute résolution spectrale dans l’infrarouge dans le cadre du Sloan Digital Sky Survey.
Ce programme a permis de réaliser le suivi spectroscopique de centaines d’étoiles géantes rouges dont CoRoT a fourni les paramètres sismiques.
Pour de nombreuses étoiles, l’horloge chimique fonctionne bien.
Mais la collaboration CoRoGEE a découvert un groupe de géantes rouges relativement jeunes et cependant, enrichies en éléments alpha par rapport au Soleil. Ceci montre que le modèle actuel est probablement devenu trop simple et devra être amélioré.
Actuellement seul CoRoGEE peut explorer ainsi les parties internes du disque galactique et déterminer, de façon indépendante, les âges de ses étoiles. Les observations actuelles vont permettre d’affiner notre compréhension de leur structure, pour des modèles plus précis.
[1] Les éléments alpha sont l’oxygène, le néon, le magnésium, le silicium, le soufre, l’argon, le calcium et le titane. Ils sont le produit de réactions alpha faisant intervenir l’hélium et sont appelés ainsi parce que le noyau de leur isotope le plus abondant est constitué d’un nombre entier de particules alpha.