mercredi 29 mai 2019
Le centenaire de l’observation de l’éclipse solaire du 29 mai 1919 par des astronomes britanniques fait l’objet d’un colloque scientifique de l’Union Astronomique Internationale organisé en partie à l’Observatoire de Paris du 27 au 29 mai 2019. A cette occasion, une copie sur plaque de verre d’un des clichés de cette observation historique a été retrouvée dans les collections de l’Observatoire, une découverte inattendue.
En 1915, Albert Einstein rend compte de l’avance du périhélie de Mercure, la relativité générale est née (voir par ex. la revue d’Eisenstaedt, 2002). Il fait d’autres prédictions à partir de cette théorie, dont celle d’une faible déviation des rayons lumineux passant au voisinage du Soleil. C’est pour le vérifier qu’a lieu, le 29 mai 1919, l’observation d’une éclipse solaire réalisée conjointement par deux équipes d’astronomes de l’Observatoire de Greenwich sous la responsabilité de Frank Dyson, et de l’Observatoire de Cambridge sous la direction d’Arthur Eddington. L’analyse de la position apparente d’étoiles au voisinage du disque solaire, observables seulement pendant les éclipses, révèle en effet une déviation des rayons lumineux, d’environ 2 secondes d’arc, en parfait accord avec la prédiction d’Einstein. Ce résultat fournit une preuve observationnelle supplémentaire à la théorie de la relativité générale et fait passer la mesure à la postérité (Dyson, Eddington et Davidson, 1919). Elle a un retentissement particulier dans la Grande Bretagne d’après-guerre, où la théorie de la gravitation de Newton est dépassée par celle d’un scientifique allemand.
Pour célébrer le centenaire de cet événement se tient, du 27 au 29 mai 2019, le colloque de l’Union Astronomique Internationale Arthur Eddington : From Physics to Philosophy and Back Again organisé par l’Observatoire de Paris, l’Institut d’Astrophysique de Paris et l’IPC.
Mais revenons à la mesure de 1919. Les deux campagnes d’observation de l’éclipse solaire furent menées par A. Eddington et E. T. Cunningham à Roça Sundy sur l’île de Principe, dans le golfe de Guinée, et par A. Crommelin et C. Davidson à Sobral, au nord du Brésil. L’aventure que représentèrent ces expéditions à l’époque, avec leur cortège d’imprévus (voyage et acheminement du matériel, formalités locales, choix du site d’observation, installation des instruments, observations d’essai et de référence, météorologie capricieuse le jour de l’éclipse, retour et rapatriement des données) a donné une dimension inédite à des observations historiques complexes. Quelques décennies plus tard, dans les années 1980, est lancée une controverse sur la fiabilité de la mesure d’Eddington (Earman et Glymouyr, 1980), avant que les plaques originales de Cambridge et une partie de celles de Greenwich ne soient perdues. Ces dernières avaient fortuitement fait l’objet d’une ré-analyse indépendante ayant confirmé le résultat (Harvey, 1979).
Crédits : Observatoire de Paris-PSL / I. Bualé, LESIA
C’est dans ce contexte que la commission archives et patrimoine du LESIA a redécouvert une copie de l’une des observations de l’éclipse solaire de 1919, réalisée par Crommelin à Sobral et visible sur la Figure 1.
L’Observatoire de Paris héberge, sur son site de Meudon, une collection unique de près de 100 000 observations solaires sur plaques de verre remontant à plus d’un siècle et à la fondation de l’Observatoire de Meudon par Jules Janssen. Une partie de cette collection a fait l’objet d’une numérisation à vocation patrimoniale pilotée par Isabelle Bualé - responsable des observateurs solaires du LESIA. Les données sont diffusées sur le portail du service national de distribution des données solaires BASS2000.
Crédits : Observatoire de Paris-PSL / I. Bualé, LESIA
Si la présence de cette plaque à Meudon (Figure 2) reste un mystère à élucider (réalisée sur demande ? par quel mandataire ?), elle a été re-numérisée à haute résolution pour l’occasion et mise ce jour à disposition de la communauté en ligne. Cette observation a motivé une analyse préliminaire qui sera présentée aujourd’hui dans le cadre du colloque par David Valls-Gabaud du LERMA. Les étoiles utilisées pour la mesure à l’époque sont ré-identifiées par leur nom sur la Figure 3.
Crédits : Observatoire de Paris-PSL / D. Valls-Gabaud, LERMA
La poursuite de ce travail et la quantification précise de la déviation des rayons lumineux nécessitera la numérisation de la plaque à une précision astrométrique. Cela sera possible avec le scanner très haute résolution NAROO, sous la responsabilité de Vincent Robert à l’IMCCE, en cours d’installation dans les mêmes locaux que la clichothèque solaire à Meudon. Les premiers tests, prometteurs, ont déjà démarré (Figure 4).
Crédits : Observatoire de Paris-PSL / V. Robert, IMCCE
Laurent Lamy : +33 (1) 45 07 74 10