lundi 21 novembre 2016
La mission spatiale Rosetta a observé la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko durant environ 2 ans, permettant d’étudier pour la première fois l’évolution de la surface d’un noyau cométaire et de son activité pendant son orbite autour de Soleil, et de comprendre sa composition de surface.
Deux travaux viennent d’être publiés dans la revue Science sur de nouveaux résultats concernant la composition du noyau et son évolution avec la distance au Soleil. L’étude menée par une chercheuse du LESIA met en évidence des variations de couleurs saisonnières et même diurnes à la surface du noyau, grâce aux données du système d’imagerie OSIRIS embarqué sur la sonde Rosetta (S. Fornasier et al., ref.1). Grâce aux données du spectro-imageur VIRTIS, l’étude de Filacchione et al. (ref.2) présente la toute première détection de la glace de CO2 à la surface d’un noyau cométaire.
L’étude de Fornasier et al. (2016) montre l’évolution des couleurs du noyau à différentes distances héliocentriques. Le noyau est devenu de plus en plus bleu au fur et à mesure que la comète se rapprochait du Soleil, indiquant une composition de surface enrichie en glace d’eau. Ces variations sont produites par l’intense activité en s’approchant au périhélie qui a progressivement aminci la couche de poussière couvrant le noyau cométaire, laissant affleurer les couches sous-jacentes enrichies en glace d’eau.
Changement de couleur, en terme de pente spectrale de la surface du noyau cométaire entre des observations espacé d’un an. A gauche des observations obtenues en août 2014, à une distance du Soleil de 3.6 unités astronomique, à droite celle obtenues en août 2015, juste après le passage au périhélie de la comète 67P.
Figure reproduite avec permission de S. Fornasier et al., Science 10.1126/science.aag2671 (2016).
À mesure que l’activité cométaire s’est intensifiée à l’approche du périhélie et que le manteau de poussières s’est affinée, la comète a aussi présenté des variations de couleurs diurnes spectaculaires sur de larges étendues et a révélé la présence de minces couches de givre dans les régions qui passent rapidement de la nuit au jour et qui subliment en quelques minutes, une fois illuminées par le Soleil. Ces observations s’expliquent par le cycle diurne de l’eau : transformée rapidement en vapeur sous l’influence de la lumière du Soleil pendant le jour local, l’eau condense à nouveau pour former une couche mince de givre et de glace à mesure que la température chute après le coucher local du Soleil, puis se sublime de nouveau le lendemain.
L’étude de Fornasier et al. (2016) rapporte également la première observation de deux grandes parcelles brillantes (d’une aire proche de 1500 m2 chacune) dans l’hémisphère sud, dans les régions nommées Anhur et Bes, mettant ainsi en évidence l’exposition directe de glace d’eau (jusqu’à une abondance de 20-30%) mélangée aux poussières cométaires. Ces régions brillantes probablement formées par re-condensation de volatiles au cours de précédents passages au périhélie, indiquent que la composition de la comète est localement hétérogène sur des échelles de quelques dizaines de mètres.
Détection et évolution des parcelles brillantes, nommées A et B, dans les régions Anhur/Bes sur des images RGB obtenues avec les filtres centrés à 882, 646, and 480 nm, du 12 avril 2015 au 5 juin 2015. Les cadres E-F sont des agrandissements des régions rectangulaires montrées dans les cadres A-D. Les flèches indiquent 2 rochers visibles sur les différentes images.
Figure reproduite avec permission de S. Fornasier et al., Science 10.1126/science.aag2671 (2016).
Les observations sur le long terme de 67P/CG nous informent notamment sur la composition des couches supérieures de la surface du noyau. Elles révèlent que la glace d’eau est abondante sur tout le noyau et affleure à la surface quand la comète s’approche du périhélie, mais que la plupart du temps elle est couverte par une couche de poussières. La plupart des éléments brillants ne sont observables qu’à très haute résolution et dans des conditions d’illumination bien particulières. Des phénomènes similaires se produisent assurément sur d’autres comètes, ce qui contribue à expliquer pourquoi les noyaux cométaires sont si sombres alors qu’ils contiennent de la glace d’eau en abondance.
L’étude de Filacchione et al., 2016 porte sur la détection en mars 2015 de la glace carbonique – jamais observée sur une comète précédemment sur la région Anhur, notamment dans la région nommée A en Figure 2 où OSIRIS a observé un mois après une région brillante enrichie en glace d’eau.
Rosetta a atteint la comète en août 2014 pendant l’hiver austral, à un moment où une grande partie de l’hémisphère sud était plongée dans la nuit polaire. Ces régions se sont éclairées progressivement au cours de la première moitié de 2015, à mesure que la comète approchait de son périhélie, qu’elle a atteint le 13 août 2015. En suivant la comète, la sonde a vu l’activité augmenter : la vapeur d’eau et d’autres gaz émanant du noyau, en soulevant la couche superficielle poussiéreuse, ont révélé la glace sous-jacente.
En particulier, fin mars 2015 le spectro-imageur VIRTIS a détecté en deux occasions une zone couverte de glace carbonique dans l’hémisphère austral, dans la région de Anhur. C’est la première fois que la glace carbonique est détectée sur une comète. La température très basse à laquelle se sublime le dioxide de carbone est la raison pour laquelle il est si difficile de le détecter sur les surfaces cométaires. Par contre, la glace d’eau a été trouvée sur diverses comètes, et Rosetta a détecté de nombreuses petites zones de glace d’eau sur certaines régions de 67P/CG. Cette zone, composée de quelques pourcents de glace carbonique mélangés à une matière plus sombre formée de matière organique, a été observée pendant deux jours consécutifs. Cependant, quand l’équipe examina cette région trois semaines plus tard, la glace carbonique avait disparu.
En supposant que toute la glace s’était transformée en gaz, les scientifiques ont calculé que la zone de 80 mètres x 60 mètres – presque la taille d’un terrain de foot – contenait environ 57 kg de dioxyde de carbone, avec une couche de 9 cm d’épaisseur. Sa présence à la surface est probablement un cas rare, l’essentiel de la glace carbonique étant piégée dans des couches plus profondes du noyau.
Gianrico et ses collaborateurs pensent que les zones de glace datent du précédent passage au périhélie de la comète en 2009, quand une partie du gaz carbonique provenant de l’intérieur du noyau se condensa à la surface. Il y resta gelé pendant quelques années, lors du retour de la comète vers les régions froides externes du Système solaire. Il commença à se sublimer seulement en avril 2015 quand la température de surface commença à remonter. Cela témoigne d’un cycle saisonnier du dioxide de carbone, qui se déroule sur 6 ans et demi, pendant la période orbitale de la comète, en contraste avec le cycle diurne de la glace d’eau, qui a aussi été observé par VIRTIS peu après l’arrivée de la sonde à proximité de la comète.