vendredi 21 octobre 2022
Le 24 novembre 2021, la NASA a lancé la sonde DART (Double Asteroid Redirection Test) en direction d’un système binaire d’astéroïdes (Didymos/ Dimorphos) situé à 11 millions de kilomètres de la Terre. Son objectif ? Rien moins qu’une première mondiale : tester notre capacité à dévier un objet céleste qui pourrait, un jour, menacer notre planète.
Le 26 septembre 2022, à 23h16 UTC, l’impact a eu lieu avec succès. Une équipe du LESIA, autour d’Antonella Barucci, a observé cet événement depuis le télescope de 1,20m de l’observatoire de Haute-Provence. Retour sur cette première et sur ces superbes images.
En préambule, il convient de préciser que DART n’est pas une mission scientifique mais que son objectif est technologique. Comme chacun le sait, la Terre est environnée d’astéroïdes qui pourraient un jour la menacer. Il s’agissait de faire un essai, en conditions réelles, avec ce que l’on appelle un impacteur pour déterminer dans quelle mesure il était possible de dévier un objet en allant le percuter.
Quelques informations sur la sonde et le système visé : DART a une masse de 570 kg environ ; Didymos, l’astéroïde primaire fait 780 m de diamètre et Dimorphos 160 m de diamètre et orbite (avec un demi-grand axe de 1,19 km) autour de Dydimos en 11h55 minutes environ. L’impact avec Dimorphos s’est produit à une vitesse de 22 530 km/h. Le choix s’est porté sur Dimorphos car il est représentatif des objets susceptibles de constituer un jour une menace. Par ailleurs, comme on n’était pas certains des conséquences possibles de l’impact, il avait été choisi parce que situé à une distance suffisamment éloignée de la Terre pour qu’il n’y ait pas le moindre risque pour notre planète.
DART embarquait également LICIACube, un nanosatellite de l’agence spatiale italienne (ASI) équipé de deux caméras : le LEIA panchromatique à champ étroit et le RGB LUKE à champ large. Il s’est déployé 15 jours avant l’impact pour capturer des images lors de la collision. Les deux caméras ont permis de réaliser plusieurs centaines de prises de vue dont une trentaine ont pu être analysées à ce jour, certaines d’une qualité exceptionnelle.
Image de l’astéroïde Dimorphos enregistrée le 26 septembre 2022 par le LICIACube de l’Agence Spatiale Italienne (ASI), quelques minutes après l’impact programmé avec DART (Double Asteroid Redirection Test), mission de la NASA. Dimorphos, enveloppé par le nuage de débris, est en haut à droite.
Crédit : ASI/NASA
Des photos qui mettent en évidence les conséquences de la collision et qui seront analysées dans les mois à venir. Elles permettront également de fournir des informations précieuses sur la surface de l’astéroïde, le cratère provoqué par l’impact et sur les débris éjectés. Il va falloir un peu de patience pour analyser avec finesse ce qui s’est produit. La réception de l’ensemble des clichés prendra un temps qui ne peut être déterminé avec précision.
Par ailleurs, la durée de vie de LICIACube est très limitée mais il émet encore à ce jour, plus de trois semaines après le succès de la mission. Le but essentiel de cette opération était de provoquer une déviation de la course de Dimorphos. Il est atteint puisque l’équipe de recherche du projet a constaté une modification de l’orbite de l’astéroïde qui présente une diminution de sa période orbitale de 32 minutes. Il fait à présent une rotation autour de Didymos en 11h23 minutes avec une marge d’erreur de 2 minutes environ, ce qui correspond à une variation du rayon de l’orbite de l’ordre de 30 mètres.
À l’origine, DART devait être lancée conjointement avec la mission HERA de l’Agence Spatiale Européenne). Mais cette dernière a pris du retard et ne devrait partir qu’en 2024 pour une arrivée sur place en 2026. Elle permettra donc, a posteriori, de compléter les résultats des premières observations qui ont été faites à ce jour par le LICIACube, le James Webb Space Telescope (JWST) et de nombreux télescopes au sol qui ont pu envoyer de très belles images, mais aussi d’étudier en détail le cratère formé par l’impact et la structure de la surface et sub surface.
Antonella Barucci est à la tête de l’équipe de l’Observatoire de Paris qui participe au programme NEOROCKS, financé par l’Union européenne, afin d’étudier les satellites géocroiseurs. L’objectif est de les identifier et de les caractériser. En effet, si l’un d’entre eux venait à menacer la Terre et que l’on devait dévier sa course, la puissance de l’impacteur dépendrait de la composition de l’astéroïde. Elle diffère s’il s’agit d’un objet constitué de fer, de silicates ou s’il est très friable comme les chondrites carbonées par exemple. Pour ce faire, on utilise des télescopes au sol dont le 1m20 de l’OHP.
Une partie de l’équipe de NEOROROCKS : Tetiana Hromakina (post-doctorante au LESIA), Mirel Birlan (IMCCE) et d’Adrian Sonka (AIRA) était donc sur place le 26 septembre et a pu observer l’impact en direct. Les superbes images dont nous disposons et qui sont à l’origine de ce communiqué ont été prises le 2 octobre avec le même télescope.
Image composite animée du système Didymos/Dimorphos obtenue en intégrant pendant cinq minutes de pose au total.
Crédit : OHP
On distingue une longue trainée de plusieurs minutes d’arc, ainsi que deux plus courtes.
Il s’agit d’images co-additionnées du système Didymos/Dimorphos obtenues en intégrant 5 minutes de pose au total. Elles mettent en évidence une queue ou chevelure qui pourrait faire penser à une comète mais qui est en fait une traînée de poussières issues du cratère d’impact et qui témoigne de la violence du choc. L’image de LICIACube, quant à elle, du fait de la proximité de la prise de vue, souligne l’éjectat de matières qui a suivi l’impact. Enfin, la caméra qui était à bord de DART a permis d’observer de très près la surface de l’astéroïde jusqu’au moment du choc. Il semble qu’il s’agit de ce que l’on appelle, en jargon scientifique, un rubble-pile autrement dit un agrégat de rochers.
Il va falloir à présent analyser l’ensemble des données recueillies et qui sont en cours de traitement. Pour avoir plus de certitudes, il faudra attendre la mission HERA de l’ESA, aussi étudier toutes les images des télescopes au sol, de l’espace et celles que LICIACube continue de nous envoyer avant de parvenir à une véritable conclusion.
À ce jour, il s’agit avant tout d’une spectaculaire démonstration technologique qui tend à démontrer que l’on peut provoquer un impact sur un petit objet. Il reste à faire un gros travail de simulation pour confirmer les premières impressions et notre capacité réelle à dévier un astéroïde. Après la phase technologique, place à présent à l’analyse scientifique qui seule viendra confirmer ces premiers résultats. Rendez-vous donc dans quelques mois pour la suite de cette aventure scientifique.