mardi 23 août 2022
Sous le regard aiguisé du télescope spatial Webb, Jupiter se dévoile sous un jour nouveau. Capturées en juillet-août 2022 dans le cadre d’un programme de démonstration "Early Science" codirigé par un astrophysicien de l’Observatoire de Paris – PSL, les images sont époustouflantes.
Les observations de Jupiter en infrarouge ont été obtenues le 27 juillet 2022 par le télescope James Webb. Elles montrent des caractéristiques spécifiques de la géante gazeuse comme un fin liseré le long des bords des bandes colorées et autour de la grande tache rouge. Elles offrent également une vue sans précédent des aurores au-dessus des pôles Nord et Sud. Le traitement en fausses couleurs permet d’amplifier la visibilité de ces structures.
Les nouvelles images de Jupiter prises par le télescope spatial Webb affichent une richesse de détails étonnante. Un filtre sensible à l’émission aurorale de l’hydrogène ionisé (cartographié dans le canal rouge) révèle des ovales auroraux sur le disque de la planète qui s’étendent jusqu’à de hautes altitudes au-dessus des pôles nord et sud. Un autre filtre sensible aux brumes de haute altitude (cartographié dans le canal vert) met en évidence les brumes polaires qui tournent autour des pôles nord et sud, tandis qu’un troisième filtre met en évidence la lumière réfléchie par le nuage principal plus profond (cartographié dans le canal bleu). La grande tache rouge, la région équatoriale et les régions nuageuses compactes (y compris les plus petites) apparaissent en blanc (ou blanc rougeâtre) sur cette image en fausses couleurs. Les régions avec une faible couverture nuageuse apparaissent comme des rubans sombres au nord de la région équatoriale mais également à côté de la grande tache rouge et dans les structures cycloniques de l’hémisphère sud, tout comme observé habituellement en lumière visible.
© NASA, ESA, Jupiter ERS Team ; traitement d’image par Judy Schmidt.
Une autre image à grand champ montre un alignement unique de la planète, de ses anneaux peu lumineux et de deux des plus petits satellites de Jupiter - Amalthea et Adrastea - sur un fond de galaxies.
« Nous n’avons jamais vu Jupiter comme ça. Tout cela est assez incroyable », a déclaré le planétologue Imke de Pater, professeur émérite de l’Université de Californie à Berkeley, qui a dirigé les observations scientifiques de la planète avec Thierry Fouchet, professeur à Sorbonne Université et chercheur au LESIA. « Nous ne nous attendions pas vraiment à ce qu’elle soit aussi bonne, pour être honnête. Il est vraiment remarquable que nous puissions voir des détails sur Jupiter en même temps que ses anneaux, ses minuscules satellites et même des galaxies dans une seule image. »
Outre l’énorme tempête connue sous le nom de "grande tache rouge", de nombreux autres systèmes de tempêtes, identifiables par de petites zones ovales pâles, sont également visibles, ainsi que de minuscules panaches lumineux de particules nuageuses. La transition entre les bandes zonales et ces structures chaotiques, correspondant à des vortex situés à des latitudes plus élevées, est également clairement visible.
« Bien que nous ayons déjà observé plusieurs de ces caractéristiques de Jupiter, l’accès à l’infrarouge offert par JWST nous ouvre une nouvelle perspective », a déclaré M. de Pater. « La combinaison d’images et de spectres aux longueurs d’onde du proche et du moyen infrarouge nous permettra d’étudier l’interaction entre la dynamique de l’atmosphère, la composition chimique et la structure verticale en température dans et au-dessus de la grande tache rouge et dans les régions aurorales. »
La caméra infrarouge proche (NIRCam) du JWST a également capturé une vue à grand champ de Jupiter révélant ses anneaux et deux de ses lunes.
Cette image composite en fausses couleurs de Jupiter a été obtenue avec l’instrument NIRCam à bord du JWST le 27 juillet 2022. Les couleurs sont différentes de la figure car ce mode d’imagerie a utilisé des temps d’exposition différents et seulement 2 filtres, cartographiés en couleurs orange et cyan. L’image montre les anneaux de Jupiter et certains de ses petits satellites ainsi que des galaxies en arrière-plan. Amalthea (250x150 km de diamètre) et le petit Adrastea (20 km de diamètre) sont visibles sur cette image. Le motif de diffraction créé par les structures brillantes comme les zones aurorales ainsi que la lune Io (juste à gauche, non visible sur l’image) forment un arrière-plan complexe de lumière diffusée autour de Jupiter.
© NASA, ESA, Jupiter ERS Team ; traitement d’image par Ricardo Hueso [UPV/EHU] et Judy Schmidt .
« Cette image illustre la sensibilité et la gamme dynamique de l’instrument NIRCam du JWST », a déclaré Thierry Fouchet. « Elle révèle les vagues, les tourbillons et les vortex brillants de l’atmosphère de Jupiter et fournit une image simultanément du système d’anneaux sombres, un million de fois moins lumineux que la planète, ainsi que les lunes Amalthea et Adrastea, qui mesurent respectivement environ 200 et 20 kilomètres de diamètre. Cette image, à elle seule, illustre les objectifs scientifiques de notre programme jovien, qui étudient la dynamique et la chimie de la planète elle-même, de ses anneaux et de son système de satellites. »
Si les observations spectroscopiques détaillées de la grande tache rouge de Jupiter ont été réalisées le 27 juillet dans le proche infrarouge et les 14 et 15 août dans l’infrarouge moyen, celles dédiées aux aurores de Jupiter sont prévues plus tard cette année.
Les observations de la grande tache rouge résultent à la fois d’un projet conjoint conduit par l’équipe scientifique de Early Release - avec Imke de Pater et Thierry Fouchet comme co investigateurs principaux - et d’un programme d’observations du Système solaire développé par Heidi Hammel de l’Association des Universités pour la Recherche en Astronomie (the Association of Universities for Research in Astronomy - AURA), les observations de Jupiter étant dirigées par Leigh Fletcher, professeur à l’Université de Leicester en Angleterre. Les autres membres de l’équipe ERS de l’UC Berkeley pour les observations de Jupiter sont Mike Wong, chercheur en astronomie, et Ned Molter, boursier postdoctoral.