mardi 17 décembre 2024
De récentes observations mettent en lumière les défis liés à la confirmation de la présence d’une atmosphère sur une exoplanète à partir des seules données d’émission thermique. Menée sous la direction d’Elsa Ducrot, dans le cadre de son postdoctorat à l’Observatoire de Paris - PSL, cette étude paraît dans la revue Nature Astronomy, le 16 décembre 2024.
La méthode la plus intuitive utilisée par les astronomes, pour savoir si une exoplanète possède une atmosphère, est d’observer son transit - passage devant son étoile hôte (en bloquant partiellement la lumière de l’étoile pendant environ 30 minutes) - dans différentes longueurs d’onde pour détecter les parties de la lumière qui sont transmises ou non, ce qui indique la présence de molécules.
Cependant, des problèmes de contamination stellaire surviennent pour les planètes orbitant autour d’étoiles très froides. Cela provient du fait que ces étoiles ne sont pas homogènes et possèdent des tâches chaudes et froides sur leur surface. Ces tâches ont leurs propres spectres, ce qui peut polluer le spectre de transmission des planètes en transit et imiter des caractéristiques atmosphériques. Un tel phénomène a été observé à plusieurs reprises avec le JWST lorsqu’il a observé les transits de planètes autour d’étoiles froides.
Une solution pour surmonter cette contamination stellaire et obtenir des informations sur la présence (ou l’absence) d’une atmosphère, est de mesurer directement la chaleur de la planète en observant une baisse du flux lorsque la planète passe derrière l’étoile (un événement appelé occultation). En observant l’étoile juste avant et pendant l’occultation, on peut déduire la quantité de lumière infrarouge provenant de la planète (voir Figure 1).
Le JWST est particulièrement efficace pour réaliser ce type d’études spectroscopiques détaillées des petites planètes rocheuses orbitant autour d’étoiles naines rouges. Dans ce contexte, l’étoile naine rouge TRAPPIST-1, qui abrite sept planètes rocheuses de la taille de la Terre, dont trois situées dans la zone habitable de l’étoile (Gillon et al., 2017), s’avère une cible idéale. En particulier, sa planète la plus proche, TRAPPIST-1 b, a été largement observée dans l’infrarouge moyen, à 15 microns de longueur d’onde, par le JWST (octobre 2022, novembre 2022, juillet 2023, novembre 2023).
De cette première cohorte de données, une étude menée en 2023 par Greene et al. avait suggéré qu’une atmosphère épaisse, riche en CO2, était peu probable sur TRAPPIST-1 b.
Mais ces conclusions sont nuancées par une équipe internationale qui publie le 16 décembre 2024 dans Nature Astronomy une analyse complète de toutes les données infrarouges collectées sur TRAPPIST-1 b. Dans cette nouvelle étude menée par Elsa Ducrot, alors postdoctorante à l’Observatoire de Paris-PSL (et actuellement astronome au CEA), les auteurs ont mesuré le flux de la planète à une autre longueur d’onde : 12,8 microns. Ils ont effectué une analyse globale de toutes les données disponibles du JWST et ont comparé ces observations avec des modèles de surfaces et d’atmosphères afin d’identifier le scénario correspondant le mieux aux données.
Dans le scénario de la "roche nue et sombre" proposé par Greene et al. (2023), la température attendue à 12,8 microns était d’environ 227°C. Cependant, la mesure réelle a montré une température plus basse de 150°C.
Pour expliquer une telle divergence, les auteurs ont exploré divers modèles de surface et d’atmosphère. Ils ont trouvé qu’une surface nue composée de roches ultramafiques (des roches volcaniques riches en minéraux) pourrait expliquer les observations. En effet, les roches ultramafiques émettent moins de radiation thermique à 12,8 microns qu’une surface sombre classique, comme le montre la Figure 2.
Indication de ceux qui sont cohérents avec les données actuelles et de ceux qui ne le sont pas.
Les auteurs ont également trouvé qu’une atmosphère riche en CO2 et en brumes pourrait expliquer les observations. Les brumes sont de minuscules particules ou gouttelettes suspendues dans l’atmosphère d’une planète, souvent créées par des réactions chimiques, de l’activité volcanique ou le rayonnement solaire. Ces particules peuvent diffuser et absorber la lumière, ce qui affecte l’apparence de l’atmosphère et sa température. Par exemple, les brumes sont présentes dans l’atmosphère de Titan, la célèbre lune de Saturne.
Il est surprenant qu’une atmosphère brumeuse et riche en CO2 corresponde aux données, car on pensait que le CO2 était incompatible avec l’émission élevée observée à 15 microns. Cependant, les brumes peuvent changer la donne. Elles réfléchissent beaucoup de lumière et peuvent rendre l’atmosphère supérieure plus chaude que les couches inférieures, créant ainsi une inversion thermique semblable à celle de la stratosphère terrestre. Cela amène le CO2 à émettre de la radiation au lieu de l’absorber, ce qui entraîne un flux plus élevé à 15 microns par rapport à 12,8 microns—un résultat inattendu par rapport au comportement du CO2 sur Terre ou Vénus.
Les auteurs notent cependant que ce modèle atmosphérique, bien qu’il soit compatible avec les données, reste moins probable que le scénario de la roche nue. Sa complexité et les questions sur la formation des brumes et la stabilité climatique à long terme sur TRAPPIST-1 b en font un ajustement difficile.
Des recherches futures, y compris des modélisations 3D avancées, seront nécessaires pour explorer ces questions. Plus généralement, l’équipe souligne la difficulté de déterminer de manière définitive la composition de la surface ou de l’atmosphère d’une planète en utilisant uniquement les mesures avec des filtres à large bande, tout en mettant en avant deux scénarios convaincants qui seront explorés plus en détail avec les futures observations de la courbe de phase de TRAPPIST-1 b, qui représente la variation de la brillance d’une exoplanète au cours de son orbite, causée par les changements dans la portion éclairée visible depuis la Terre. Cela fournit des informations sur l’atmosphère de la planète, ses propriétés de surface et sa distribution de température.
Bien que les deux scénarios restent viables, les auteurs expliquent que les récentes observations de la courbe de phase de TRAPPIST-1 b — qui suivent le flux de la planète tout au long de son orbite — pourraient aider à résoudre le mystère. En analysant l’efficacité avec laquelle la chaleur est redistribuée sur la planète, les astronomes peuvent déduire si une atmosphère est présente. Si une atmosphère existe, la chaleur devrait être distribuée du côté jour de la planète vers son côté nuit ; sans atmosphère, la redistribution de la chaleur serait minimale. Les investigations sont donc appelées à se poursuivre.