dimanche 24 mai 2009
Dans environ 5 milliards d’années, notre Soleil va se dilater pour devenir une étoile géante rouge. Ce stade évolutif est commun à toutes les étoiles qui ressemblent au Soleil une fois qu’elles ont brûlé leur combustible, l’hydrogène, présent dans le coeur. Ces astres sont particulièrement intéressants à étudier afin de tester nos théories représentant les stades évolués des étoiles. L’analyse des données photométriques de grande précision obtenues par la mission spatiale CoRoT, effectuée par une équipe de chercheurs de différentes nationalités dont des chercheurs du LESIA, a permis de mettre en évidence la richesse du spectre d’oscillations de ces étoiles, ouvrant ainsi la voie à l’utilisation de techniques basées sur la sismologie pour sonder l’intérieur de ces astres.
Les géantes rouges sont des étoiles se trouvant dans un stade évolué, représentatif du futur de notre Soleil. Après avoir brûlé l’hydrogène du coeur, les étoiles de masse intermédiaire (typiquement entre 0.5 et 10 masses solaires) entament un processus de dilatation. Gagnant en volume, l’enveloppe de ces étoiles perd en densité et en température ce qui se traduit par un changement de couleur de son rayonnement vers le rouge. A la fin de leur vie, les géantes rouges vont subir une perte de masse importante contribuant ainsi à l’enrichissement du milieu interstellaire et à l’évolution chimique de la galaxie.
Une étoile géante rouge présente des modes d’oscillations qui sont excités stochastiquement par des mouvements turbulents qui se produisent dans l’enveloppe convective externe de l’étoile. Certains de ces modes d’oscillation sont dits "radiaux" : c’est-à-dire avec une symétrie radiale, circulaire ; l’étoile se dilatant et se contractant suivant le rayon. Si, en plus de ces mouvements, viennent se superposer des mouvements transverses, on parle alors de modes d’oscillation "non radiaux". Voir la Fig.1 pour un exemple de ce type d’oscillation.
Animation montrant un exemple de mode d’oscillations non radial. On remarque que les amplitudes ont été amplifiées par un facteur 100000 en comparaison à ce qui est observé dans les "vraies" étoiles. Courtoisie de David B. Guenther.
La seule facon que l’on ait de sonder directement l’intérieur d’une étoile est de mesurer précisément les fréquences de ses oscillations : la technique ainsi utilisée est appeléé "astérosismologie". Mais la qualité des observations antérieures à celles de CoRoT (de la Terre ou même de l’espace) étaient insuffisantes pour utiliser le potentiel de diagnostic de cette technique sur ces étoiles.
Le satellite CoRoT (COnvection, Rotation et Transit planétaire) est une mission spatiale du CNES (l’agence spatiale francaise) en partenariat avec l’ESA et plusieurs pays : la Belgique, l’Autriche, le Brésil, l’Allemagne et l’Espagne. Il a éte lancé le 27 décembre 2006 depuis le cosmodrome de Baikonour à bord d’une fusée Soyuz Fregat II-1b. CoRoT a deux objectifs scientifiques principaux : étudier l’intérieur et la dynamique des étoiles grâce à la sismologie et détecter des exoplanètes. Pour répondre à ces deux objectifs, CoRoT est capable d’observer de façon quasi ininterrompue de nombreuses étoiles pendant des périodes très longues et de mesurer les variations de leur éclat avec une extrême précision.
L’analyse des données CoRoT obtenues durant la première campagne d’observations scientifiques a permis d’identifier 300 étoiles se trouvant probablement dans le stage évolutif de géante rouge. Ces candidats géantes rouges ont révélé avoir un spectre d’oscillations très variées d’une étoile à l’autre (voir la Fig. 2). Parmi ces objets, un cas est particulièrement intéressant celui d’une étoile montrant un spectre d’oscillations régulier similaire à celui de notre _Soleil et dû à la présence de modes non radiaux. La finesse des modes ainsi observés révèle des modes ayant une durée de vie plutot longue. On remarque aussi que ces modes ont une durée de vie plus longue que ceux du Soleil.
Figure 2 : Spectre de puissance de 9 étoiles candidates géantes rouges. La puissance est exprimée en partie par millions (p.p.m.) au carré et divisée par 1000. Les pics associés aux oscillations sont clairement visibles : autour de 75 microHz pour le spectre du bas et autour de 10 microHz pour celui du haut. Les nombres indiqués en haut à droite de chaque spectre correspondent à l’identifiant CoRoT de l’étoile. (cliquer sur l’image pour l’agrandir).
Spectre de densité spectrale d’une candidate géante rouge, CoRoT-101034881, montrant des modes d’oscillations régulièrement espacés en fréquence.
En conclusion, grâce à une qualité inégaléee des données photométriques obtenues sur une longue période d’observations quasiment ininterrompue, CoRot permet de conclure, sans aucune ambiguité possible, quant à la présence de modes non radiaux avec une longue durée de vie dans des étoiles géantes rouges. Ce résultat montre le grand intérêt d’étudier les oscillations de ces étoiles pour sonder leur intérieur ; ces étoiles étant un excellent laboratoire pour tester nos modèles d’intérieur stellaire dans des conditions très différentes de celles de notre Soleil.
L’équipe est composée de :
Joris De Ridder (1), Caroline Barban (2), Frédéric Baudin (3), Fabien Carrier (1), Artie P. Hatzes (4), Saskia Hekker (5,1), Thomas Kallinger (6), Werner W. Weiss (6), Annie Baglin (2), Michel Auvergne (2), Réza Samadi (2), Pierre Barge (7), Magali Deleuil (7)
(1) Instituut voor Sterrenkunde, K.U.Leuven, Celestijnenlaan 200D, B-3001 Leuven, Belgium.
(2) LESIA, UMR8109, Université Pierre et Marie Curie, Université Denis Diderot, Observatoire de Paris, 92195 Meudon Cedex, France.
(3) Institut d’Astrophysique Spatiale, Campus d’Orsay, F-91405 Orsay, France.
(4) Thüringer Landessternwarte, D-07778 Tautenburg, Germany.
(5) Royal Observatory of Belgium, Ringlaan 3, 1180 Brussels, Belgium.
(6) Institute for Astronomy, University of Vienna, Türkenschanzstrasse 17, A-1180 Vienna, Austria.
(7) Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, OAMP, Université Aix-Marseille & CNRS, 38 rue Frédéric Joliot Curie, 13388 Marseille cedex 13, France.
Non-radial modes with long lifetimes in giant stars, Nature, 21 May 2009 - Voir l’article