vendredi 19 mars 2010
Le satellite CoRoT a maintenant détecté une douzaine d’exoplanètes (4 sont en cours de publication). Lancé le 26 décembre 2006, l’exploitation du satellite a été prolongée jusqu’à la fin mars 2013. L’année 2009 a été marquée par la détection de la première super-Terre en transit devant son étoile, CoRoT-7b (voir nouvelle de février 2009). CoRoT vient maintenant de détecter une nouvelle planète particulièrement intéressante : CoRoT-9b. Elle a une masse de 0,8 masse jovienne et son rayon égale celui de Jupiter. Ces valeurs n’ont rien d’exceptionnel, mais ce qui rend cette planète remarquable c’est qu’elle est 10 fois plus loin de son étoile que les "Jupiters chauds" détectés à ce jour. Cela lui confère une température d’environ 400 degrés K qui la place entre les Jupiters chauds et notre Jupiter, ouvrant ainsi la voie à l’étude d’un nouveau "régime météorologique".
Parmi les quelques 430 exoplanètes découvertes à ce jour, une petite centaine a le bon goût de passer régulièrement devant son étoile, vue depuis l’observateur. On dit que ces planètes sont « en transit » devant leur étoile. L’intérêt immense de cette catégorie de planètes est que leur atmosphère absorbe des raies moléculaires de l’atmosphère de la planète pendant le transit. L’observation spectroscopique de ces raies permet donc de savoir quelles molécules sont présentes dans cette atmosphère et en quelle quantité. Jusqu’à présent, toutes les planètes en transit se trouvaient (du moins pendant une partie de leur orbite) tellement près de leur étoile que leur température dépassait 1300 degrés Celsius. C’est pourquoi on les qualifie de chaudes : selon les cas on dira des Jupiters ou des super-Terres chaud(e)s.
Ce qui est nouveau avec CoRoT-9b, c’est que, ayant une période orbitale de 95 jours sur une orbite très légèrement elliptique, elle doit se trouver à une distance d’environ 0,4 unité astronomique de son étoile, soit environ la distance de Mercure au Soleil (l’unité astronomique est la distance Terre-Soleil). Cette planète est chauffée par la lumière de son étoile. Celle-ci étant légèrement moins lumineuse que le soleil, CoRoT-9 b doit être légèrement plus froide que Mercure. Sa température exacte dépend de son pouvoir à absorber le flux lumineux de son étoile. Comme l’orbite est légèrement elliptique (l’excentricité est de 0,1 environ), la température doit varier entre 380 et 430 degrés K pour un pouvoir absorbant de 80%. Cela la placerait comme la planète géante la plus froide détectée à ce jour par transit. De plus étant constamment assez loin de son étoile, elle ne subit pas de déformation interne qui serait due à des effets de marée. Il n’y a donc pas de ce coté de source de chaleur interne ce qui facilite la construction des modèles pour cette planète.
Avec cette planète on entre dans un nouveau régime de température. Ce n’est pas la première fois que l’on trouve des Jupiters « "tempérés" (on en connaît déjà quelques dizaines), mais c’est la première fois que l’on en trouve un en transit devant son étoile. On pourra donc faire ultérieurement la spectroscopie de ce transit dans des conditions thermiques inexplorées à ce jour. Cette spectroscopie pourra être faite soit depuis le sol avec le Very Large Télescope européen installé au Chili par exemple ou depuis l’espace avec le télescope Hubble, et mieux, à partir de 2014 avec le James Web Space Telescope, et peut-être en 2018 avec Plato et Spica (sélectionnés par l’ESA pour une étude de faisabilité). Ces observations permettront de voir comment les "équilibres chimiques" de l’atmosphère des planètes (c’est-à-dire par exemple l’abondance de dioxyde de carbone par rapport à celle du méthane) dépendent de leur température et de détecter des molécules stables à la température de CoRoT-9b mais instables à la température des Jupiters chauds.
Après une période de statistique des observations, l’ère de l’exoplanétologie comparée semble désormais bien ouverte et on peut parier qu’elle ménagera de nouvelles surprises. On peut compter pour cela, du côté européen, sur les futures observations dans les proches années à venir avec, depuis le sol l’instrument SPHERE installée sur le VLT et le futur E-ELT, et dans l’espace Gaia et le JWST. Le LESIA est présent dans la réalisation et l’exploitation de trois de ces futurs moyens.
Référence
H.J. Deeg, C. Moutou, A. Erikson, Sz. Csizmadia, B. Tingley, P. Barge, H. Bruntt, M. Havel, S. Aigrain, J.M. Almenara, R. Alonso, M. Auvergne, A. Baglin, M. Barbieri, W. Benz, A. S. Bonomo, P. Bordé, F. Bouchy, J. Cabrera, L. Carone, S. Carpano, M. Deleuil, R. Dvorak, S. Ferraz-Mello, M. Fridlund, D. Gandolfi, J.-C. Gazzano, M. Gillon, P. Gondoin, E. Guenther, T. Guillot, R. den Hartog, A. Hatzes, M. Hidas, G. Hébrard, L. Jorda, P. Kabath, H. Lammer, A. Léger, T. Lister, A. Llebaria, C. Lovis, M. Mayor, T. Mazeh, M. Ollivier, M. Pätzold, F. Pepe, F. Pont, D. Queloz, M. Rabus, H. Rauer, D. Rouan, J. Schneider, A. Shporer, B. Stecklum, R. Street, S. Udry, J. Weingrill et G. Wuchterl
A transiting giant planet with a temperature between 250 K and 430 K Nature, Mars 2010.
Voir aussi :
Institutions participantes :
Observatoire de Paris (LESIA et LUTh), Instituto de Astrofısica de Canarias, Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, German Aerospace Center, U. of Exeter, Observatoire de Genève, Universität Bern, IAS Orsay, IAP, Universitä zu Köln, ESA/ESTEC, University of Vienna, Universidade de Sao Paulo, Thüringer Landessternwarte, University of Liège, OCA, Las Cumbres Observatory, Space Research Institute Graz, Tel Aviv University, University of Sydney, Universita di Padova, OHP, Oxford Astrophysics et CalTech.
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