lundi 10 février 2020
Lundi 10 février 2020, à 05h03, heure française, la mission européenne Solar Orbiter a quitté la Terre à bord d’un lanceur Atlas V 411, depuis Cape Canaveral en Floride, en direction du Soleil. Sa croisière durera un peu moins de deux ans et sa mission scientifique entre cinq et neuf ans. Son instrument RPW traquera les ondes radio et plasma de notre étoile pour en percer les mystères.
Le Soleil, l’étoile la plus proche de nous, renferme encore plusieurs énigmes. Pourquoi la couronne du Soleil est-elle tellement plus chaude que sa surface ? Comment le vent solaire est-il accéléré ? Quelles sont les sources des particules solaires à haute énergie ? La plus ambitieuse mission d’exploration européenne du Soleil va tenter d’y répondre.
L’objectif principal de Solar Orbiter est de mieux comprendre comment le Soleil génère le vent solaire et l’héliosphère, cette enveloppe magnétique – porteuse de ce vent – dans laquelle baigne et interagit tout notre Système solaire. Seront aussi scrutées la source du champ magnétique solaire et ses variations au cours du cycle d’activité solaire d’environ 11 ans. Le mécanisme des éruptions solaires sera particulièrement étudié et pourrait aider à mieux prévoir les tempêtes solaires et les effets perturbateurs sur Terre et sur nos satellites.
Parmi les 10 instruments de Solar Orbiter, le LESIA est responsable de l’instrument RPW (Radio & Plasma Waves), l’analyseur d’ondes radio et de plasma, en collaboration avec un consortium scientifique international (détaillé ci-après) dirigé par Milan Maksimovic, investigateur principal (PI) de l’instrument, directeur de recherche CNRS au LESIA.
RPW sera testé 42 heures après le lancement.
Crédits : ESA–S. Poletti
Depuis 2006, en France, une cinquantaine de personnes du LESIA, du Laboratoire de Physique des Plasmas (LPP, CNRS/École polytechnique/Sorbonne Université /Université Paris-Saclay/Observatoire de Paris - PSL) à Palaiseau, du Laboratoire de physique et de chimie de l’environnement et de l’espace (LPC2E, CNRS/Université d’Orléans/CNES) à Orléans, et des ingénieurs du CNES à Toulouse, ont contribué à la mise au point et à la construction de cet instrument, à la pointe de la technologie spatiale.
L’instrument RPW se compose d’un boitier électronique complexe de 7 kg au cœur de la sonde, bien protégé par son bouclier thermique, et relié à plusieurs types de capteurs externes : le capteur magnétique SCM, situé sur le mât du satellite à deux mètres de la plateforme, et trois antennes électriques de 6,5 m de long. L’instrument mesure ainsi les champs magnétiques et électriques au voisinage de la sonde afin d’étudier la dynamique du vent solaire, ce jet de particules chargées -du plasma- émis par notre étoile.
« La physique solaire ne sait toujours pas répondre à plusieurs questions posées depuis 80 ans, souligne Milan Maksimovic. Pourquoi la couronne du Soleil, c’est-à-dire l’atmosphère de notre étoile, est infiniment plus chaude (environ 1 million de degrés C), que la surface du Soleil (5500° C) ? Comment le vent solaire est-il accéléré dans la couronne solaire à des vitesses supersoniques de 800 km/s ? Quel mécanisme déclenche les éruptions solaires, qui peuvent avoir des conséquences sur les télécommunications en particulier ? Enfin, comment fonctionne précisément la dynamo solaire, qui génère le champ magnétique du Soleil dont la direction s’inverse tous les 11 ans ? »
Solar Orbiter, de la taille d’une camionnette avec une masse de 1,6 tonne au lancement, aura la particularité de combiner simultanément des mesures in situ de son environnement sur une orbite relativement proche du Soleil et des observations à distance du Soleil (à seulement 42 millions de km au lieu de 150 millions de km, distance Terre-Soleil). La sonde devra affronter des températures variant de – 150˚C à + 500˚C et de puissants bombardements de particules solaires énergétiques.
Au cours de son périple prévu pour une dizaine d’années, Solar Orbiter utilisera la gravité de Vénus et de la Terre pour élever progressivement son orbite par rapport au plan de l’écliptique (33°), et ainsi accéder à l’observation des régions du Soleil de plus hautes latitudes.
Avec la participation de la NASA, le coût de cette mission est estimée à 1,5 milliard d’euros. Une fois en orbite opérationnelle, Solar Orbiter travaillera en tandem avec la sonde solaire de la NASA, Parker Solar Probe, lancée en août 2018. Grâce à ses imageurs et télescopes multi-longueurs d’ondes, la sonde européenne contribuera quant à elle à visualiser l’environnement spatial dans lequel la sonde américaine collectera des données à une distance encore plus proche du soleil, en frôlant notre étoile à moins de 7 millions de km.
Il regroupe les laboratoires suivants :
Le LESIA est responsable (PI) de l’instrument RPW (Radio & Plasma Waves) développé et conçu par le Centre national d’études spatiales (CNES). Les objectifs scientifiques de cet instrument, permettant à la fois des observations in situ et de télédétection (émissions radio solaires), sont de mesurer d’une part les ondes électriques depuis le continu jusqu’à 16 MHz et d’autre part les ondes magnétiques depuis quelques Hertz jusqu’à 500 kHz.
Le LPC2E a conçu et réalisé le capteur de champ magnétique alternatif SCM de RPW, qui caractérisera les variations du champ magnétique et permettra de comprendre la dynamique du vent solaire. SCM se situe à 2 mètres de la plateforme au milieu d’un mât déployable. Il sera ainsi dans l’ombre du bouclier thermique qui protège la plateforme, soumis à une température extérieure de -145°C mais ramenée à -50°C grâce à un système de chauffage et une couverture thermique.
Suivre SCM sur Twitter : @SolarOrbiter_SCM
Le LPP a conçu et réalisé le sous-système LFR (Low Frequency Receiver) de RPW pour le traitement à bord des mesures d’ondes électromagnétiques et le système de détection des électrons du spectromètre EAS (Electron Analyzer Sensor) qui fait partie de l’instrument SWA (Solar Wind Analyzer). L’analyseur LFR est basé sur un processeur de signal numérique FPGA de basse consommation. Il réduit la quantité de données transmises au sol tout en optimisant la valeur scientifique de ces dernières. Il délivre une large palette de produits allant de la simple forme d’onde à des spectres élaborés.
Le LPP et le LESIA sont membres de PLAS@PAR, fédération de recherche en physique des plasmas.