lundi 11 septembre 2017
L’activité solaire, qui suit un cycle d’environ 11 ans, était très faible depuis plusieurs années. Même au maximum du cycle, en 2014, le nombre de taches solaires était bien plus faible que lors des cycles précédents. Nous sommes actuellement en route vers le prochain minimum d’activité, attendu vers 2018 ou 2019.
Mais depuis plusieurs jours s’est formé un groupe complexe de taches solaires, qui annonçait une recrudescence de l’activité (voir ci-dessous l’image dans la raie du calcium observée sur le site de Meudon).
Le groupe des éruptions du 6/9 est marqué par l’ellipse en rouge.
Cliché Observatoire de Paris, site de Meudon.
Le 6 septembre, vers 11:53 temps universel (13:53 en France), une grosse éruption solaire a démarré. Le flux en rayons X mous, qui est la référence usuelle pour l’importance d’une éruption, est monté à un niveau appelé X9, voulant dire que le flux maximum observé depuis la Terre était de 9.10-4 W/m2). Ce niveau n’avait plus été observé depuis 12 ans puisque le dernier événement d’un niveau plus fort était un sursaut classé X17 le 7 septembre 2005. L’émission X est due au chauffage de la région éruptive dans la couronne solaire à des températures de plus de 10 millions de degrés.
Crédit : NOAA, USA)
Le spectrographe ORFEES de la station de radioastronomie de Nançay (Région Centre) a observé une émission radio intense, sur une grande gamme de fréquences ("sursaut de type IV"). Ce type d’émission est typique d’une éjection coronale de masse qui produit une perturbation majeure du champ magnétique dans la couronne solaire. Dans cette restructuration du champ magnétique, des électrons sont accélérés à de hautes énergies et deviennent des émetteurs radio efficaces.
Les émissions intenses sont représentées par les tons sombres (spectrographe ORFEES, Nançay).
Crédit : Observatoire de Paris/station de Nançay
Spectrographe ORFEES, Observatoire de Paris, station de Nançay
Cet événement solaire a accéléré des protons et ions à de hautes énergies. Ces particules ont été éjectées dans l’espace interplanétaire, où elles ont été détectées par les satellites géostationnaires GOES (NOAA, USA). L’évolution sur les 2 jours 5-6 septembre du flux des particules mesuré par GOES est montrée dans la figure 4a. La courbe rouge montre les protons à des énergies au-dessus de 10 MeV. Leur flux était important depuis une éruption solaire peu spectaculaire, survenue le soir du 4 septembre. Aux énergies plus élevées, au-dessus de 50 MeV (courbe bleue) et 100 MeV (courbe verte), le flux monte brusquement avec la grosse éruption du 6 septembre.
En revanche, aucun signal n’est détecté aux énergies encore plus élevées, au-dessus de 500-1000 MeV, qui sont observées depuis les moniteurs à neutrons au sol de la Terre. Le tracé montre les taux de comptage de ces instruments, répartis sur la Terre. Ces données sont accessibles via la base de données www.nmdb.eu.
Le tracé ci-dessous montre la décroissance du taux de comptage due à l’arrivée, en fin de journée du 6 septembre, de l’éjection coronale de masse partant du Soleil lors de l’éruption du 4 septembre. On parle dans ce cas d’effet "Forbush". Cet effet s’est reproduit du 8 au 9 septembre du fait de l’éjection de masse du 6 septembre.
(protons avec des énergies > 500 MeV)
Tandis que les ondes HF (3-30 MHz) subissent une absorption accrue lors de l’ionisation additionnelle de l’atmosphère par les rayons X et EUV, les ondes radio à plus basse fréquence (par exemple 30 kHz) sont plus efficacement réfléchies quand la densité des électrons augmente. La réflexion par l’ionosphère nous permet de détecter à un endroit donné les signaux émis par des stations lointaines. Le flux de ces signaux radio reflète donc l’ionisation additionnelle de l’atmosphère. La figure 5 montre les mesures lors de plusieurs éruptions du 6 septembre 2017, faite avec une antenne installée sur le site de Meudon en janvier 2017. Le flux X mesuré par GOES est superposé en bleu et vert. On note que l’ionosphère réagit immédiatement à l’impact des rayons X et maintient son état d’ionisation élevée un peu plus longtemps que ne dure la forte émission X, avant que l’ionisation supplémentaire ne disparaisse et que la réflectivité ne redevienne celle d’avant le sursaut X.
L’activité éruptive s’est poursuivie pendant plusieurs jours, en montrant néanmoins une tendance à diminuer depuis le 9 septembre. C’est alors que le Soleil nous a surpris le 10 septembre en produisant de nouveau un sursaut très fort en rayons X, de classe X8, à partir de 15:35. Cette éruption-ci a produit des particules de haute énergie qui ont pénétré dans l’atmosphère de la Terre et ont été détectées au sol par les moniteurs à neutrons. Les figures ci-dessous montrent les flux des protons détectés par le satellite GOES (panneau du haut), les taux de comptage des moniteurs à neutrons sensibles à des énergies de particules au-dessus d’une énergie d’environ 500 MeV, puis les taux de comptage des moniteurs qui détectent des particules plus énergétiques que 3,3 GeV. On ne voit pas de trace de l’événement dans ce dernier tracé. Ceci nous donne une première idée sur le spectre d’énergie de cet événement à particules.
(protons avec des énergies > 500 MeV)
(protons avec des énergies >3,2 GeV)
D’une part, les chercheurs les utiliseront pour mieux comprendre les processus physiques en jeu : Quelle est la relation entre les processus qui chauffent la couronne dans la région active à des températures de quelques dizaines de millions de degrés, l’éjection de masse, et l’accélération des particules que nous observons aux voisinage de la Terre ? Comment les particules sont-elles accélérées à de hautes énergies ? Sous quelles conditions et quand s’échappent-elles dans l’espace interplanétaire ? Et pourquoi l’événement du 6 septembre n’a-t-il pas accéléré des particules aux hautes énergies qui ont été vues par les moniteurs à neutrons lors d’autres grandes éruptions solaires du passé et lors de celle du 10 septembre ?
D’autre part, nous nous interrogerons sur les impacts d’un tel événement sur la Terre. Le fort rayonnement X ionise la haute atmosphère de la Terre et peut causer des perturbations des communications radio HF ou bien, comme nous l’avons vu (fig. 5), une réflexion accrue des ondes radio à des fréquences plus basses. L’émission radio peut interférer avec les signaux GPS et radar. Pour ces raisons, l’Armée de l’Air fait de la prévision des perturbations ionosphériques en s’appuyant entre autres sur les observations radio sol telles (le spectrographe ORFEES est un instrument développé en coopération). Les particules de haute énergie peuvent interagir avec l’électronique à bord de satellites et ioniser la haute atmosphère terrestre dans les régions polaires, au-dessus de 50 km d’altitude et peuvent avoir un impact sur l’aviation par exemple.
Malgré les impacts forts sur l’ionosphère, une telle activité solaire n’a aucun impact avéré sur la météorologie ou la climatologie de la Terre. Le Soleil produit en moyenne huit sursauts en rayons X de cette force (ou plus fort) par cycle d’activité de 11 ans. Ceux qui nous intéressent ici n’étaient pas dans les dix événements les plus intenses observés depuis 1976 par les satellites GOES. Il n’ y a pas de corrélation avec des phénomènes météorologiques extrêmes. Il n’y a donc aucune indication d’un lien physique de cet événement solaire particulier avec les ouragans qui sévissent actuellement dans les caraïbes.